La CENCO perd patience

Redigé par Tite Gatabazi
Le 18 septembre 2025 à 05:39

Depuis l’accession de la République démocratique du Congo à l’indépendance en 1960, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) s’est affirmée comme l’une des rares institutions capables d’incarner une autorité morale stable et audible dans un pays marqué par l’instabilité chronique et les convulsions politiques.

A plusieurs reprises, elle a joué un rôle d’arbitre dans des contextes où l’État, affaibli par les querelles de pouvoir, s’avérait incapable de garantir l’ordre, la justice et la paix.

Sous la dictature de Mobutu, la CENCO fut l’une des voix les plus critiques face à la dérive autoritaire et à la corruption systémique qui gangrenaient l’appareil d’État. Dans les années 1990, lors de la Conférence nationale souveraine, elle assuma un rôle de premier plan en présidant des débats fondateurs et en offrant un cadre à l’expression de la société civile.

Plus tard, dans les années 2000 et 2010, alors que les élections se succédaient au milieu de fraudes massives, de violences politiques et de contestations, la CENCO demeura l’ultime garant de la vérité électorale, n’hésitant pas à affronter le pouvoir en place pour défendre la légitimité populaire. Son observation indépendante des scrutins, souvent contestée par les autorités, contribua à préserver la cohésion nationale en évitant que la crise politique ne dégénère en guerre civile ouverte.

Cette longue tradition explique la centralité de son engagement actuel. En insistant sur la mise en œuvre de la feuille de route pour la paix dans l’Est du pays, la CENCO ne fait pas que rappeler un impératif moral : elle revendique une continuité de sa mission historique, celle d’accompagner la société congolaise sur le chemin d’une libération intégrale, politique autant que spirituelle.

Pour elle, la paix véritable ne saurait se réduire à une absence provisoire de combats ; elle implique une réconciliation authentique, fondée sur la justice, la vérité et la dignité des victimes.

Mais face à cette voix prophétique, le pouvoir congolais oppose souvent une stratégie de temporisation et de diversion. Les tergiversations du gouvernement s’expliquent à la fois par la porosité des institutions, infiltrées par des réseaux de clientélisme, et par les pressions contradictoires des partenaires extérieurs, davantage préoccupés par la stabilité géostratégique et l’accès aux ressources que par la restauration d’une paix véritable. Ainsi, l’appel répété de la CENCO se heurte à une alliance tacite entre inertie interne et indifférence internationale.

En définitive, la CENCO incarne une mémoire vivante des luttes démocratiques au Congo et demeure, pour les populations meurtries de l’Est, un ultime recours face à l’oubli et à l’abandon. Sa parole résonne comme un avertissement : tant que l’État congolais restera prisonnier de ses compromissions et de ses calculs politiciens, aucune paix durable ne pourra advenir.

Seule une refondation éthique, où la vérité ne serait plus travestie et où la justice ne serait plus différée, pourra ouvrir la voie à une réconciliation authentique et à une stabilité véritable.

Depuis l’indépendance du Congo en 1960, la CENCO s’impose comme une autorité morale stable dans un pays politiquement instable

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