La RDC s’enfonce dans le gouffre de l’insécurité

Redigé par Tite Gatabazi
Le 6 mai 2025 à 02:15

Il est des silences qui tuent et des complicités qui crient. Tandis que les élites congolaises, retranchées dans les cénacles feutrés du pouvoir central, s’acharnent à sauver les oripeaux d’un régime discrédité, la République démocratique du Congo s’abîme chaque jour davantage dans les ténèbres d’une insécurité systémique.

En date du 4 mai dernier, c’est sur l’axe Kalemie–Nyemba, au cœur du Tanganyika, que s’est de nouveau levée la grande faucheuse. Pillages méthodiques, violences sexuelles d’une brutalité inouïe, seize motocyclettes emportées, d’innombrables femmes violées, humiliées, réduites au silence : tel est le funeste tribut imposé aux populations civiles par ceux-là mêmes qui, en d’autres circonstances, arborent les oripeaux du nationalisme armé.

Les coupables  ? Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), les milices supplétives dites « Wazalendo », et les FDLR, dont l’entrisme militaire et la perméabilité idéologique avec le pouvoir de Kinshasa ne sont plus à démontrer.

Ce triptyque mortifère, drapé dans la rhétorique de la souveraineté, sévit désormais dans l’ensemble du corps national, tel un cancer métastasé dont l’origine ne serait plus circonscrite à l’Est, mais bien disséminée dans tout l’organisme territorial. Après Ituri, Beni, Lubero, après Uvira, c’est au tour du Lomami d’être happé par la spirale de la terreur une délocalisation de la barbarie qui, paradoxalement, s’opère loin des zones dites sous contrôle de l’AFC/M23, pourtant sans cesse diabolisé par la propagande officielle.

C’est ici que l’hypocrisie atteint son comble : là où l’AFC/M23 est absent, c’est là que l’insécurité est la plus foudroyante. Là où l’État prétend régner, la mort rôde en toute impunité. Et l’on s’obstine, depuis les palais du pouvoir, à taxer de traîtres ceux qui réclament un sursaut institutionnel, ceux qui appellent à la fin d’un régime aussi cynique qu’inefficace, ceux qui osent proposer le fédéralisme comme ultime rempart contre la fragmentation du pays. Mais qu’est-ce que la trahison, sinon l’aveuglement volontaire face à la souffrance du peuple ? Et qu’est-ce que la loyauté, sinon le courage de dénoncer un ordre inique, même au prix de l’excommunication politique ?

Le tableau est tragiquement clair. Partout où le pouvoir prétend défendre l’intégrité du territoire par la force brute, ce sont les civils qui paient l’obole du sang. Partout où les FARDC, les Wazalendo et les FDLR s’installent, ce sont la loi de la jungle, les pillages et les viols qui deviennent le langage de la domination.

L’armée, autrefois symbole de protection, s’est muée en prédatrice ; les milices, enfants monstrueux de l’abandon étatique, sèment la peur là où elles prétendent défendre la patrie. Quant à la justice, elle demeure spectatrice muette de ce théâtre macabre, réduite à l’impuissance ou asservie aux intérêts partisans.

Il faut le dire avec la gravité que la situation exige : la RDC n’est plus gouvernée, elle est administrée dans le chaos. La souveraineté, si souvent invoquée, n’est plus qu’un leurre rhétorique.

Et le peuple congolais, cet éternel martyr des jeux cyniques du pouvoir et des tragédies programmées, voit s’évanouir les derniers vestiges de son espérance. Pris en étau entre l’imposture des gouvernants et la brutalité des milices supplétives, il erre sans boussole, dépouillé de tout horizon collectif.

Abandonné par ceux qui prétendent parler en son nom, trahi par des institutions devenues étrangères à sa douleur, il ne trouve plus, pour toute réponse à ses supplications, que le fracas des armes, l’indifférence complice et la déchirure des exodes forcés.

Alors, la fuite devient ultime refuge, l’exil intérieur se fait asile d’âme, et la tombe s’érige en promesse d’apaisement. Le sol natal, profané par l’injustice, ne nourrit plus ses enfants  ; il les engloutit. L’espérance s’efface sous les pas des déplacés, et la citoyenneté s’abolit dans l’anonymat des fossés communs. Ainsi se profile, lentement mais inexorablement, l’effondrement d’une nation qui n’aura su ni protéger ses vivants ni honorer ses morts.

Il n’est que temps de refonder radicalement l’ordre politique, de briser le joug de cette centralisation prédatrice, de réhabiliter le droit à l’autodétermination locale comme ferment d’une paix durable. Faute de quoi, la République ne sera bientôt plus qu’un nom sans substance, un cadavre institutionnel errant dans le concert des nations.

Sylvain Ekenge, Porte Parole des FARDC

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