Le prétexte officiel est, à n’en point douter, irréprochable dans sa formulation : « réaffirmer l’engagement de l’Union européenne à respecter l’intégrité territoriale de la RDC, au vu de la crise humanitaire en cours ».
Ce lexique diplomatique, bien huilé, dissimule mal les ressorts opaques de cette soudaine ferveur parlementaire pour un pays que ces mêmes députés ont longtemps regardé avec distance, voire indifférence, tout au long des décennies de souffrance et d’humiliation imposées à son peuple. L’opération séduction entreprise par les eurodéputés à Kinshasa laisse planer un parfum âcre de duplicité, voire de vénalité.
Car dans cette croisade européenne pour le Congo, ce n’est pas tant la République Démocratique du Congo qui intéresse que la République Démocratique du Chèque. Le nom même de Thierry Mariani, parmi les membres de cette délégation, suffit à ôter toute illusion d’intégrité.
Cet eurodéputé français, naguère porte-parole officieux des régimes autoritaires, est désormais la cible de deux enquêtes préliminaires en France pour des soupçons de corruption, de détournement de fonds publics, de blanchiment et de trafic d’influence, dans le sillage trouble de l’association Dialogue franco-russe qu’il copréside.
Mariani n’a rien d’un homme politique porté par des convictions humanitaires ; il incarne plutôt la dérive d’une classe politique européenne prête à se vendre au plus offrant. Sa présence dans cette délégation sonne comme un affront à la dignité congolaise, et une offense à toute idée d’indépendance morale dans la conduite des affaires internationales.
Comment peut-on croire à la sincérité d’un engagement européen lorsque celui-ci est porté par des figures compromises, venues plus chercher des dividendes politiques et pécuniaires que témoigner d’une réelle solidarité ? Quand on y voit Mounir Satouri et son zèle sur un dossier des grands lacs qu’il peine à situer sur une carte.
Et que penser de cette présidence de délégation confiée à Hilde Vautmans, eurodéputée belge, comme un clin d’œil cynique de l’Histoire, adressé à une nation encore endeuillée par les stigmates d’un passé colonial douloureusement imprimé par le royaume de Belgique, dont l’héritage, loin d’être assumé avec la gravité qu’il requiert, semble parfois ressurgir, travesti en mission civilisatrice renouvelée.
Ce retour, sous les atours diplomatiques, d’une présence belge à la tête d’une délégation européenne, s’inscrit à rebours des dynamiques régionales actuelles, où l’exigence de souveraineté et de réappropriation narrative s’impose comme le socle des résistances africaines contemporaines face aux néocolonialismes rampants.
Mais au-delà des figures, c’est l’ensemble de la mécanique institutionnelle européenne qu’il convient de démythifier. Il faut en effet rappeler que les résolutions adoptées par le Parlement européen n’ont aucune force juridique contraignante. Elles relèvent du domaine symbolique, du vœu pieux, et non de l’impératif légal. Les sanctions que certains députés réclament à cor et à cri, dans une rhétorique théâtrale et surjouée, ont d’ores et déjà été retoquées par la Commission européenne elle-même, sous l’effet notamment du veto du Luxembourg.
Dans ce climat d’hypocrisie institutionnalisée, même les discours enflammés et vertueux de certaines figures médiatiques, tel le docteur Denis Mukwege à Strasbourg, apparaissent, pour peu qu’on en scrute les mobiles, comme les oripeaux d’une quête de légitimité politique mâtinée d’ambitions personnelles. Les tribunes moralisantes de ce dernier, pourtant auréolé du prix Nobel, n’échappent pas aux logiques de captation d’attention et de marchandisation de la parole engagée, motivées par des intérêts bassement mercantiles que l’on feint de travestir sous le manteau d’une philanthropie compassée.
Le paradoxe est cruel : l’Europe, qui devrait être la garante des principes démocratiques, de la bonne gouvernance et du respect des droits fondamentaux, s’abaisse à des pratiques de courtiers en influence, là où elle devrait se montrer exemplaire. Et Kinshasa, sous le régime de Félix Tshisekedi, semble jouer de cette faiblesse en monnayant l’apparence du consensus international au prix d’une diplomatie des enveloppes, plus soucieuse de plaire à Bruxelles que de répondre aux aspirations profondes de son peuple.
Le drame congolais mérite mieux que ces mascarades. Il mérite un engagement sincère, désintéressé, construit sur des principes et non sur des valises. Il mérite que l’Europe ne soit pas simplement un acteur de la realpolitik cynique, mais une conscience exigeante. Tant que les eurodéputés confondront la solidarité avec le sponsoring, leur prétendue bienveillance ne sera que poudre aux yeux, et leur présence, un mirage de plus sur le désert de la diplomatie postcoloniale.

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