La criminalisation de l’information en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 janvier 2025 à 03:05

Dans les arcanes obscurs du pouvoir, certains moments s’imposent comme des charnières tragiques où la ligne fragile entre la gouvernance éclairée et l’autoritarisme destructeur se trouve franchie sans retour possible.

Le cas de Constant Mutamba, actuel ministre congolais de la Justice, illustre cette dérive inquiétante qui menace les fondements même de l’etat de droit en République Démocratique du Congo.

En remettant en cause de manière systématique les principes qui fondent la justice, et en annonçant, sans détour ni remords, que toute personne commentant la situation sécuritaire de l’Est du pays encourt la peine de mort, Mutamba ouvre une brèche périlleuse dans la construction d’un avenir pacifié.

Cette posture, qui résonne comme une déclaration de guerre contre la liberté d’expression et contre le droit à l’information, dépasse le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un processus plus vaste de déliquescence des valeurs de tolérance, menaçant l’intégrité même du système politique et juridique.

Une telle déclaration, loin d’être anodine, s’apparente à un coup de marteau asséné sur l’autel des principes fondamentaux de la justice, sur la liberté d’expression et sur les droits humains. L’atteinte à la liberté d’informer, pourtant sacrosainte dans tout pays qui se respecte, s’avère être ici l’un des symptômes les plus inquiétants d’un pouvoir qui, au lieu de rechercher le consensus et la vérité, cherche à imposer une narrative unilatérale, aveugle à la diversité des réalités.

Ce discours incendiaire, incitant à la criminalisation de la parole, s’inscrit dans une dérive autoritaire qui dénote un grave déclin des institutions républicaines. Non seulement il attaque de front les journalistes, les acteurs de la société civile et les opposants politiques, mais il représente également un déni dangereux des réalités sur le terrain, notamment dans l’Est du pays, où la violence, l’instabilité et les souffrances humaines sont des faits quotidiennement documentés par la presse et les organisations de défense des droits humains.

L’arrogance d’un tel propos, en plus de son caractère inacceptable, est d’autant plus frappante qu’elle émane d’un homme investit de la lourde responsabilité de défendre la justice et d’assurer l’équité dans son pays.

Ce genre d’attitude, qui semble non seulement cautionner mais aussi encourager l’injustifiable, relève de ce que l’on pourrait appeler une dérive de pouvoir, où l’autorité judiciaire devient un instrument au service de l’intolérance et de la répression.

Les déclarations de Mutamba incarnent ainsi une distorsion tragique de la mission même de la justice, transformée en outil de domination politique et de réduction au silence. Lorsqu’un ministre de la Justice, à travers ses mots, menace de manière aussi explicite et violente ceux qui exercent leur droit d’expression, il ne fait pas seulement une incursion sur la sphère privée de l’individu, mais il met en péril l’équilibre fragile entre pouvoir et opposition qui caractérise toute démocratie.

Loin de constituer une solution, cette criminalisation de la parole politique et sociale ne fait qu’alimenter un climat de peur et d’autocensure, minant ainsi la confiance des citoyens dans leurs institutions. Un tel climat de terreur intellectuelle et sociale, où la vérité est remise en question et où toute opinion divergente devient un crime, pourrait déboucher sur des conséquences catastrophiques pour l’ensemble du système politique du pays.

En s’engageant sur cette voie de répression, de nombreux observateurs avertis redoutent un effritement du tissu social et une accentuation de la fracture politique, déjà bien présente. Plus inquiétant encore, cela pourrait entraîner une radicalisation des oppositions, et provoquer un chaos social difficilement réversible.

Ce type de discours, émanant des plus hautes sphères du pouvoir, représente en effet une double menace pour l’avenir politique et social de la RDC. D’une part, il risque de saper les efforts de consolidation de la paix, qui nécessitent de la transparence, de l’ouverture et du dialogue.

D’autre part, il impose une lourde pression sur le régime actuel, l’isolant encore plus sur la scène internationale et ternissant l’image de l’État congolais. Loin de constituer un moyen efficace de maintenir l’ordre, cette répression systématique de la parole publique ne fait que creuser davantage les fossés sociaux et affaiblir les bases mêmes de la légitimité du gouvernement.

Dans un tel contexte, les dérives autoritaires, si elles ne sont pas jugulées à temps, peuvent mener à une crise de régime irréversible. Le pays pourrait se retrouver en proie à un conflit intérieur alimenté par le manque de perspectives démocratiques et l’absence de réponses adéquates aux attentes populaires.

La réponse à cette dérive devrait donc être d’abord une réponse de la société civile, des acteurs politiques responsables et des institutions internationales, qui doivent se lever pour dénoncer ces abus et affirmer sans ambiguïté leur engagement pour la démocratie, le respect des droits humains et la liberté d’expression.

Il en va de l’avenir de la République Démocratique du Congo, un avenir qui ne pourra se construire que sur la base du respect des principes d’équité, de justice et de dignité humaine.

Constant Mutamba, actuel ministre congolais de la Justice de la RDC.

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