L’Afrique, en quête de sa renaissance, a trouvé à Kigali, capitale du Rwanda, une scène privilégiée pour amorcer une réflexion profonde sur la démocratie et la théorie juridique en Afrique.
Autour de cette entreprise ambitieuse, le gratin intellectuel du continent, universitaires, juristes, sociologues et anthropologues, s’est réuni, marquant ainsi une étape cruciale dans la redéfinition du droit africain.
Cette initiative historique se veut à la fois un acte de rupture et une affirmation de souveraineté intellectuelle, un élan vers une science juridique enracinée dans l’identité africaine.
Le droit comme reflet d’une identité
Le droit n’est jamais neutre : il est une construction sociale imprégnée de la vision du monde des peuples qui le produisent. La domination coloniale, dans sa logique d’imposition, a subordonné les cadres juridiques africains à des paradigmes étrangers, niant par là-même la pluralité des systèmes normatifs préexistants sur le continent.
En érigeant le droit occidental en standard universel, les colonisateurs ont installé des mythes de supériorité qui continuent de structurer, voire d’entraver, la pensée juridique en Afrique.
Or, la réhabilitation d’une vision proprement africaine du droit n’est pas une simple revendication identitaire ; elle relève d’une exigence de dignité et de souveraineté. Elle impose une rupture courageuse avec une doxa juridique alienne qui a longtemps asservi les imaginaires et les pratiques. Cette rupture nécessite un retour aux sources épistémologiques africaines, une réappropriation des valeurs sociétales profondes qui ont historiquement guidé la gestion des conflits et l’établissement de l’ordre social.
L’urgence d’une refondation juridique
La science juridique est, par essence, une science sociale. En tant que telle, elle doit intégrer la sociologie, l’anthropologie et l’histoire des peuples qu’elle vise à régir.
Pour l’Afrique, cela signifie redécouvrir les pratiques traditionnelles telles que l’arbre à palabres, le baraza et les tribunaux gacaca, qui ont historiquement incarné des modèles de résolution des conflits basés sur le dialogue, la réconciliation et la communauté.
Cependant, cette refondation ne peut se contenter d’une simple exhumation du passé. Il s’agit d’un exercice de création, à la croisee des traditions et des aspirations contemporaines. Le nouveau droit africain doit être un droit pour les Africains, pensé par des Africains, en écho à leurs réalités sociales, économiques et politiques. L’enjeu est de concevoir un cadre juridique qui ne soit pas seulement adapté, mais qui inspire et structure l’avenir du continent.
Une question de lucidité et de dignité
La légitimité de cette entreprise ne doit ni attendre une validation externe, ni chercher une reconnaissance ailleurs que sur le sol africain. Cette quête s’inscrit dans une dynamique de lucidité épistémologique et de dignité culturelle. Car la création d’un droit africain, en phase avec son identité profonde, constitue une réponse à l’écrasement des mythes coloniaux, à la hiérarchisation imposée par une modernité qui ne cesse d’ériger des murs entre le Nord et le Sud.
Au-delà des frontières juridiques, c’est un projet civilisationnel qui se dessine. Ce projet exige une mobilisation intellectuelle transcontinentale, capable de transcender les clivages linguistiques et géographiques.
Les universités, les centres de recherche, les praticiens du droit, tous ont un rôle central à jouer dans cette refondation.
Le temps de l’Afrique est arrivé. Cette conscience d’une urgence à se redéfinir, à se libérer des carapaces imposées par l’histoire, est au cœur de la démarche amorcée à Kigali.
Il ne s’agit pas seulement de récrire le droit, mais de réécrire l’avenir, en forgeant des bases juridiques qui reflètent la résilience, la diversité et la richesse de l’Afrique. Cette renaissance juridique est une étape essentielle vers l’émancipation intellectuelle et culturelle du continent, un pas décisif vers un futur où l’Afrique, forte de ses valeurs et de son histoire, redéfinira sa place dans le concert des nations.
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