Après avoir chanté les louanges de la médiation américaine, salué l’initiative de Doha, et promis au monde qu’il œuvrerait à l’apaisement régional, Kinshasa vient, une fois de plus, de rompre la promesse faite à ses partenaires. Cette rétractation n’est pas un accident : elle relève d’une méthode, d’une stratégie du double langage érigée en système de gouvernement.
Le revirement n’est pas seulement diplomatique, il est moral. Tshisekedi joue avec la guerre comme un illusionniste manipule la fumée pour cacher l’essentiel : un régime miné par la corruption, rongé par le népotisme et paralysé par l’improvisation. Derrière le vacarme des tambours nationalistes, c’est une diversion savamment orchestrée : l’ennemi extérieur comme exutoire des frustrations populaires, le front militaire comme rideau de fumée destiné à dissimuler les scandales financiers et les querelles d’appareil. A Kinshasa, le patriotisme s’achète à la criée, et la guerre devient l’argument suprême des faibles.
Car la première raison de ce sabotage tient à une vérité que l’on tait par habitude : la guerre rapporte. Elle légitime la confiscation du pouvoir, elle justifie la dérive autoritaire, elle anesthésie les critiques. Tant que le pays est "en danger", l’on ne parle plus des milliards volés, des marchés publics truqués, des nominations ethniques ou des comptes offshore.
La guerre est le grand lessiveur du soupçon : tout s’y dissout, jusqu’à la vérité. Tshisekedi n’ignore pas ce mécanisme ; il en a fait un instrument de survie politique.
La deuxième raison, plus structurelle encore, réside dans la compromission organique entre l’État congolais et les milices génocidaires des FDLR, ces résidus de l’histoire rwandaise que le pouvoir de Kinshasa continue, contre toute morale et contre toute raison, à considérer comme des alliés tactiques. Dénoncer les FDLR, c’est risquer d’exposer les complicités qui les abritent jusque dans les hautes sphères de l’armée. Les toucher, c’est saper les fondations d’une alliance vitale pour le régime. Tshisekedi le sait : sans ce maillage FDLR-FARDC, il perdrait à la fois un levier militaire et un outil de propagande.
Enfin, la troisième raison est d’ordre psychologique et historique : la trahison, dans la diplomatie congolaise, n’est plus une exception, elle est devenue une habitude. Des accords d’Addis-Abeba à ceux de Nairobi, en passant par ceux de Luanda, la constance du Congo n’a été que dans l’inconstance. À chaque sommet, l’État congolais signe sous les caméras, s’engage sous les applaudissements, puis renie dès le retour à Kinshasa. On invoque tour à tour la "souveraineté nationale", les "pressions étrangères", ou des "conspirations imaginaires" pour justifier ce qui n’est qu’un refus obstiné de la vérité et de la paix.
Ce qui se joue ici dépasse la simple diplomatie : c’est une conception du pouvoir fondée sur la dissimulation et la manipulation. Tshisekedi a compris qu’en entretenant la guerre à l’Est, il maintient un climat d’urgence qui lui permet d’échapper à la reddition des comptes.
Chaque accusation de corruption est ainsi balayée d’un revers de main au nom de "l’unité nationale menacée". Chaque critique devient "complicité avec l’ennemi". Le régime vit de la peur qu’il produit, et se nourrit du chaos qu’il prétend combattre.
Mais cette logique, si cynique soit-elle, est à courte vue. Car l’histoire récente du continent enseigne une leçon implacable : les régimes qui font de la guerre un instrument politique finissent toujours dévorés par leur propre monstre. La militarisation du discours, la haine médiatisée, la criminalisation de l’adversaire sont les préludes d’une faillite d’État.
A force de mentir au monde et à soi-même, le Congo s’enferme dans une solitude diplomatique dont il ne sortira pas indemne.
A Washington comme à Doha, la communauté internationale observe désormais Kinshasa avec lassitude. Les diplomates, fatigués d’être dupés, ne s’y trompent plus : le Congo n’est pas en guerre contre l’AFC/M23, mais contre la vérité. Et tant que la vérité sera considérée comme une menace, aucune paix ne pourra s’enraciner.
L’Histoire retiendra peut-être ce moment comme celui où la République démocratique du Congo a cessé de feindre la paix pour assumer son penchant pour la duplicité. Tshisekedi a choisi la guerre comme art de gouverner, la haine comme langage politique, et le mensonge comme bouclier. Mais il oublie une chose : les guerres qu’on entretient pour fuir la justice finissent toujours par la rendre plus implacable.
La paix ne se signe pas à la tribune : elle se prouve dans la loyauté. Et c’est précisément ce dont Kinshasa, aujourd’hui, semble la plus dépourvue.

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