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Les manœuvres diplomatiques ambiguës de la RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 décembre 2024 à 11:49

Dans un monde de plus en plus marqué par la globalisation et la complexité des relations internationales, la diplomatie se trouve confrontée à des défis de taille.

Les enjeux ne sont plus seulement bilatéraux, mais multilatéraux, avec des ramifications qui vont bien au-delà des frontières nationales. A cet égard, la diplomatie congolaise, à travers sa gestion du processus de paix dans la région des Grands Lacs, semble naviguer en eaux troubles.

Le récent communiqué de la présidence de la RDC, accusant le Rwanda de saboter les négociations de paix en introduisant un préalable de dernière minute à la signature de l’accord, met en lumière une stratégie diplomatique ambiguë, fondée sur des mécanismes de défense tels que la projection psychologique.

Ce phénomène, comme l’expliquent des auteurs tels que Pierre Bourdieu et Sigmund Freud, consiste à attribuer à autrui des intentions et des défauts qui relèvent en réalité des propres dysfonctionnements internes d’un groupe ou d’un individu.

Le communiqué officiel de la présidence de la RDC du 15 décembre 2024 déclare en effet : « La tenue d’un dialogue direct entre la RDC et le groupe terroriste M23, introduite comme préalable à la signature de l’accord, constitue un blocage délibéré et une entrave majeure aux efforts fournis pour faire aboutir le processus de Luanda. »

Ce communiqué accuse clairement le Rwanda d’imposer cette condition à la dernière minute, une action qualifiée de mauvaise foi et d’un soutien inconditionnel au M23, considéré comme un groupe terroriste par la RDC.

Selon le gouvernement congolais, cette nouvelle exigence du Rwanda empêche toute avancée dans le processus de paix.

Cependant, ces accusations sont contredites par le ministre rwandais des Affaires étrangères, l’Ambassadeur Olivier Nduhungirehe, qui sur son compte X a apporté des éclaircissements factuels et détaillés.

Il rappelle que la question du dialogue avec le M23 n’a pas été introduite par le Rwanda, mais par le facilitateur angolais, le président João Lourenço, lors des réunions précédentes.

En effet, plusieurs éléments démontrent que cette proposition est ancienne et n’a pas été un ajout de dernière minute comme l’indique la présidence congolaise. Voici les huit points clés du ministre rwandais :

Introduction par le facilitateur angolais : La question du M23 a été abordée par le facilitateur angolais dès août 2024, avant la réunion de décembre 2024, et non comme un ajout par le Rwanda lors de la réunion ministérielle du 14 décembre 2024.

Participation du M23 à Luanda : Une délégation du M23, conduite par son secrétaire général Benjamin Mbonimpa, a été invitée à Luanda du 31 août au 3 septembre 2024 pour exprimer ses revendications politiques, ce qui souligne que le dialogue avec le M23 était déjà dans l’agenda du processus de paix.

Position du Rwanda lors de la 4e réunion ministérielle (14 septembre 2024) : Le Rwanda a réaffirmé sa position sur la nécessité d’un dialogue politique direct entre la RDC et le M23, ce qui a été enregistré dans le compte rendu officiel de cette réunion.

Réunion virtuelle du 26 novembre 2024 : Lors de cette réunion, les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont à nouveau discuté de la nécessité d’un dialogue avec le M23, avec l’accord du facilitateur angolais pour que cette question soit résolue dans le cadre des négociations.

Proposition du Rwanda (27 novembre 2024) : Le Rwanda a envoyé une note verbale à la facilitation angolaise, formulant la proposition que la RDC engage un dialogue direct avec le M23 pour résoudre le conflit, comme un élément clé du projet d’accord.

Position du facilitateur angolais (28 novembre 2024) : Le facilitateur angolais a informé les parties que le président angolais Lourenço avait souligné que la question du M23 restait l’un des points essentiels à résoudre dans le projet d’accord.

Réponse du Rwanda (29 novembre 2024) : Le Rwanda a réitéré sa position selon laquelle un paragraphe spécifique sur le dialogue avec le M23 devrait figurer dans l’accord pour qu’il puisse être signé. Sans cet engagement, le Rwanda ne serait pas disposé à accepter l’accord en l’état.

Accord de la RDC (30 novembre 2024) : Malgré la résistance exprimée publiquement, le gouvernement congolais avait donné son accord au facilitateur pour un dialogue direct avec le M23, en particulier dans le cadre du processus de Nairobi, bien avant le sommet du 15 décembre 2024.

À la lumière de ces éléments factuels, il apparaît clairement que la présidence congolaise a déformé la chronologie des événements pour rejeter la responsabilité de l’impasse sur le Rwanda.

En dépit de son engagement antérieur pour un dialogue avec le M23, la RDC semble s’opposer systématiquement à toute démarche qui pourrait conduire à une paix durable, tout en accusant le Rwanda de mauvaise foi.

Une diplomatie ambiguë au service d’un agenda caché

En persistant dans une posture belliqueuse et en manipulant les faits diplomatiques, le gouvernement congolais semble s’engager dans une stratégie qui pourrait déstabiliser non seulement la région des Grands Lacs, mais aussi son propre avenir politique.

Comme l’ont analysé des chercheurs comme Michael P. Williams et Richard Haass, les conflits dans des zones riches en ressources naturelles sont souvent exacerbés par des élites politiques qui manipulent les tensions pour maintenir leur contrôle, à la fois sur les populations et sur les ressources.

Cette posture, loin de résoudre les problèmes structurels de gouvernance, risque d’aggraver les divisions internes et d’entraîner le pays dans une spirale de violence et de dissonance diplomatique.

La RDC, en renonçant à un dialogue sincère et en rejetant les efforts de médiation, semble privilégier des intérêts géopolitiques et internes sur la quête d’une paix véritable. Ce refus d’accepter la réalité des négociations et les engagements pris devant la communauté internationale pourrait, à terme, conduire à un isolement diplomatique croissant, fragilisant davantage le pouvoir en place.

En manipulant les processus de paix pour des gains politiques, le gouvernement congolais prend un risque immense : celui de voir son autorité s’effondrer comme un château de cartes, sans qu’il n’en prenne conscience.

la diplomatie congolaise se trouve confrontée à des défis de taille

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