Plastiques et océans ou l’illusion d’une solution par le recyclage

Redigé par Tite Gatabazi
Le 19 août 2025 à 02:55

Alors que les Nations unies se réunissent à Genève du 5 au 14 août 2025 pour tenter de sceller un traité international sur la pollution plastique, une vérité inconfortable s’impose : le recyclage, souvent présenté comme la panacée par l’industrie, ne saurait constituer à lui seul une réponse à la crise environnementale.

La surproduction massive de plastiques demeure le cœur du problème. Les chiffres sont éloquents : la production mondiale de plastiques a doublé en l’espace de quinze ans et ne montre aucun signe d’inflexion notable. L’industrie continue de privilégier la création de plastique vierge, indépendamment des flux de recyclage, laissant la planète submergée par des déchets dont l’impact sur les écosystèmes et la santé humaine est croissant.

Cette réalité a trouvé un écho judiciaire en 2024, lorsque le procureur de Californie a engagé une action contre le géant pétrolier ExxonMobil, dénonçant une communication fallacieuse sur le recyclage. L’accusation mettait en lumière un marketing sophistiqué, prétendant résoudre le problème de la croissance incessante des déchets plastiques, alors que 90 % des plastiques produits annuellement échappent encore à tout processus de réutilisation effective. Cette illusion entretenue par l’industrie ralentit la prise de conscience des consommateurs et retarde les mesures structurelles nécessaires pour réduire la production à la source.

Les limites structurelles et chimiques du recyclage

La transformation des déchets plastiques en nouvelles matières premières se heurte à des obstacles tant économiques que techniques. Les infrastructures de collecte, de tri et de recyclage exigent des investissements considérables, mais elles sont souvent confrontées à des flux de matières insuffisants et à des coûts de production du plastique recyclé plus élevés que ceux du plastique vierge issu du pétrole.

À ces difficultés s’ajoutent les limites intrinsèques des matériaux plastiques. Les cycles répétés de recyclage dégradent la qualité des polymères, compromettant leurs propriétés finales et nécessitant l’ajout de matières vierges et d’additifs pour restaurer les caractéristiques recherchées. La recyclabilité est inégalement répartie selon les types de plastiques : seuls les thermoplastiques se prêtent véritablement à une réintégration industrielle, tandis que les thermodurcissables et les élastomères résistent à toute refonte en fin de vie.

De surcroît, la présence d’additifs chimiques plastifiants, colorants, stabilisants, retardateurs de flamme réduit encore la proportion de plastiques pouvant être recyclée.

Cette complexité technique n’est pas anodine. Les plastiques intègrent quelque 16 000 substances chimiques, dont un quart est jugé toxique pour l’environnement ou la santé humaine. La dégradation et la recombinaison de ces substances au cours du recyclage, ainsi que les contaminations croisées, accroissent le risque d’exposition aux composés toxiques, posant un défi majeur à la durabilité réelle du recyclage.

Du recyclage au « décyclage » : repenser la stratégie globale

Deux options se présentent une fois que les déchets plastiques ont été réduits en granulés. La première consiste en un recyclage en boucle fermée, où les matières recyclées sont réintégrées dans des produits équivalents à leur usage initial, souvent avec un complément de matières vierges pour restaurer les propriétés perdues. La seconde option, plus fréquente dans les pratiques industrielles, conduit à un « décyclage », transformant les plastiques en matériaux de moindre qualité ou en combustibles, contribuant ainsi à perpétuer une logique linéaire et extractive qui n’enraye en rien la surproduction.

Ainsi, la rhétorique du recyclage masque une vérité inquiétante : sans limitation drastique de la production, la boucle vertueuse promise par les industriels reste illusoire. La véritable réponse passe par une régulation ambitieuse, la responsabilisation des producteurs et la réduction effective de l’usage du plastique à usage unique.

Les négociations de Genève doivent désormais dépasser la simple incitation au recyclage pour imposer une transformation structurelle de l’industrie et de ses modèles économiques, afin de protéger réellement les océans et les générations futures.

Lors de la réunion des Nations unies à Genève sur la pollution plastique, il apparaît clairement que le recyclage, vanté par l’industrie, ne suffit pas à résoudre la crise environnementale

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