Maître André Martin Karongozi, avocat des parties civiles, a lancé un appel éloquent au jury : « Ne laissez pas M. Rwamucyo perpétuer le génocide commis sur les Tutsi par sa négation, ne laissez pas M. Rwamucyo falsifier l’histoire. » Il a ajouté avec force : « Lorsque vous vous retirerez pour délibérer, les cent mille âmes des victimes tuées de Butare s’inviteront sur les marches de ce palais : cent mille victimes dépassent de loin la capacité d’accueil du Stade de France, 80 000 personnes. » Pour les familles des victimes, l’enjeu dépasse le seul procès de Rwamucyo. Il s’agit, selon Me Karongozi, de « prévenir d’autres ennemis de la liberté » et d’affirmer que « le ‘plus jamais ça’ n’est pas un leurre ».
Dans la salle d’audience, le poids des mots résonne. Me Richard Gisagara, lui aussi avocat des parties civiles et fervent défenseur de la mémoire des victimes, évoque l’association du médecin avec ce qu’il qualifie d’« entreprise de la mort ». Il souligne la méthode et la violence systématique de ce projet de destruction, qui, selon lui, « visait à effacer une partie de la population rwandaise, jusqu’à la mémoire de leurs victimes ».
Pour Me Gisagara, ce procès est une occasion pour la France de montrer son refus de devenir « un havre de paix pour génocidaire ». En établissant un parallèle avec la Shoah, il déclare : « Ce qui s’est passé au Rwanda est semblable à ce qui s’est passé, il y a un peu plus de 80 ans, lorsque la France et l’Europe ont connu l’horreur de la Shoah et des crimes nazis. » Il demande que la même dignité et reconnaissance soient accordées aux victimes rwandaises : « Le regard que vous porterez sur les faits, et sur les victimes, que ce soit celui que vous auriez porté sur une victime de la Shoah ou des crimes nazis. »
Pour les parties civiles, cette bataille judiciaire est aussi une lutte pour la vérité. Le contexte de ce procès remonte à 2009, lorsque Dr Rwamucyo fut condamné par contumace à la prison à perpétuité par un tribunal Gacaca au Rwanda. Les accusations portées contre lui sont lourdes : il aurait constitué des groupes d’extermination, incité la population à perpétrer le génocide, fourni des armes et participé à des enlèvements de femmes et de jeunes filles tutsi. En France, son procès débute en octobre 2024, après plusieurs années de procédure et de controverses.
Emmanuel Daoud, avocat des organisations LDH et FIDH, soutient l’importance de ce procès en France, affirmant que Dr Rwamucyo « soutenait publiquement le régime responsable du génocide ». Malgré cela, Philippe Meilhac, avocat de la défense, continue de nier toute implication de son client, arguant que ces accusations sont sans fondement.
Alors que les délibérations se poursuivent, le regard se tourne vers le verdict. Pour les familles, les rescapés et la communauté rwandaise en France, le procès de Dr Rwamucyo est plus qu’un simple jugement : il est un acte de mémoire et un message d’espoir que la justice triomphe, même trente ans après les faits.
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