Les tests d’ADN, aujourd’hui accessibles au Rwanda grâce au Centre national des preuves scientifiques et techniques appliquées à la justice (RFI), en constituent l’exemple le plus éclatant : en un prélèvement, ils tranchent avec une exactitude de 99,99 % la question de la filiation. Mais cette vérité biologique, à laquelle certains accourent avec empressement, peut se révéler un poison pour la paix des familles.
C’est l’avertissement solennel lancé par le Dr Charles Karangwa, Directeur général de l’institution. Face à la multiplication des demandes de paternité biologique, il exhorte à la retenue et au discernement. Derrière chaque requête se profile un climat de tension conjugale, une suspicion grandissante ou une querelle portée devant les tribunaux.
Or, rappelle-t-il, la loi rwandaise est claire : l’enfant est d’abord celui qui est né et qui a grandi au sein du foyer. Réduire la paternité à un simple résultat scientifique, c’est risquer d’infliger à l’enfant une blessure psychologique irréparable.
« Imaginez, insiste le Dr Karangwa, ce petit qui appelait son père avec joie et tendresse, découvrant soudainement qu’il n’est pas son géniteur. Ce choc peut provoquer un traumatisme profond dont nul ne saurait mesurer les conséquences. » La science, loin d’être neutre, se fait alors instrument de déstabilisation. La quête d’une vérité biologique devient un couperet brisant les équilibres fragiles des foyers déjà fissurés.
Si l’ADN constitue une preuve irréfutable devant les juridictions qu’il s’agisse du Parquet, des tribunaux civils ou militaires, du Bureau d’enquêtes criminelles ou encore de l’Office national de l’identification, son usage en dehors de ces cadres pose question. Les laboratoires n’acceptent d’ailleurs d’exécuter une telle analyse qu’avec un mandat officiel lorsqu’il s’agit de procédure judiciaire. Pourtant, de plus en plus de particuliers s’y engagent à titre volontaire, souvent pour confirmer ou infirmer une rumeur, parfois pour alimenter un conflit.
Or, rappelle Dr Karangwa, ces pratiques ne servent ni la paix des ménages ni la stabilité du tissu social. Elles traduisent au contraire une crise de confiance et risquent de transformer les familles en champs de bataille juridiques et émotionnels. Le coût même de ces examens, loin d’être prohibitif, 178 020 francs rwandais pour un père et un enfant dans le cadre d’une analyse standard, 285 290 francs pour une procédure d’urgence, contribue à banaliser leur recours. Mais ce prix matériel masque un coût autrement plus élevé : celui du traumatisme psychologique, du doute généralisé et de la dislocation du lien filial.
En définitive, la mise en garde du Dr Karangwa sonne comme un rappel à l’ordre moral : l’ADN ne saurait devenir l’ultime arbitre des relations familiales.
La paternité ne se réduit pas à une séquence de gènes, mais se construit dans l’amour, la présence et la responsabilité. Le Rwanda, soucieux de préserver l’unité de ses familles, ne peut accepter que l’obsession de la preuve scientifique supplante la vérité affective et sociale qui fonde l’enfance et la filiation.

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