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RDC : Le Rwanda comme bouc émissaire

Redigé par Tite GATABAZI
Le 7 mars 2022 à 09:01

Lors de la XIIe conférence diplomatique organisée par le ministère congolais des affaires étrangères à Kinshasa ce 2 mars 2022, le Président Tshisekedi s’est exprimé en ces termes :

« …Il est irréaliste et improductif voire suicidaire pour un pays de notre sous-région de penser qu’il tira toujours des dividendes en entretenant des conflits ou des tensions avec ses voisins… »

On ne sait pas encore si les commentateurs ont sorti ces propos de leur contexte, mais une chose est certaine, ils ont fait les choux gras de la toile.

Il serait hasardeux de dresser la liste des groupes armés qui sévissent à l’Est de la RDC. Mais aujourd’hui, les principaux sont les FDRL et les ADF.

Et ceux qui les entretiennent politiquement feignent d’ignorer que la déstabilisation de l’Est de la RDC est l’œuvre de nombreux groupes armés et des alliances qui se font et se défont.

Qu’à cela ne tienne, la faillite de l’Etat congolais a trouvé un bouc émissaire : le Rwanda.

Avec toute une rhétorique qui vient nourrir et exploiter les ressentiments anti Rwandais.

Ce slogan simpliste cherche à fournir une explication à la dégradation structurelle de la RDC en dédouanant les acteurs congolais et en rejetant la responsabilité sur les voisins.

Voilà pourquoi, il y a quelque chose de troublant à se replonger dans l’analyse du drame de la RDC.

Ses pesanteurs et tendances lourdes, ses idéologies, ses identités, ses animateurs présents et passés. Et d’y déceler la puissance des forces irrationnelles.

Avec cette rhétorique qui prolonge le mythe d’un complot des Etats voisins soucieux d’annexer les riches territoires de l’Est de la RDC.

A la veille des élections, ce discours connaitra un regain pour renforcer la méfiance. Car le populisme hante la RDC et c’est un des principaux dangers.

L’appel au peuple pour résister à la « balkanisation », et la dénonciation de la « nationalité douteuse » qui colle aux populations rwandophones établis sur ces terres longtemps avant la conférence de Berlin de 1885.

Pour mémoire, les kasaïens refoulés du Shaba par des violences politiques placées sous le signe de « l’épuration ethnique », de l’exaltation identitaire n’étaient pas le fait du Rwanda de Kagame.

Bien plus, au Kongo Central, le chef spirituel du mouvement spirituel Bundu Dia Kongo avait lancé un appel à ses partisans de chasser de la province les personnes n’appartenant pas à leur ethnie.

En 2017, des massacres à Kamonia au Kassaï étaient qualifiés de « crime contre l’humanité » au service d’un chaos organisé.

Que dire de la barbarie récurrente à Manono et Moba dans le Tanganyika. La liste est non exhaustive.

Et pourtant, l’instrumentalisation des identités en RDC est un des points de cristallisation des tensions entre les populations locales.

Dans sa forme la plus inquiétante, elle demeure sans doute, celle qui est colportée pour justifier des formes d’exclusion et conforter des positions politiques.

Cet affrontement résulte d’un vide idéologique, de projet de société crédible. Ces politiciens et activistes en mal de positionnement voient arrivé les échéances électorales de septembre 2023.

Leurs différences sont évidentes à bien des égards ; et pourtant qu’il s’agisse de Fayulu, de Muzito, du Cardinal Ambongo ou du Dr Mukwege, ils partagent un socle commun : celui de porter et d’alimenter un discours de haine vis-à-vis du Rwanda.

D’aucuns penseront que c’est une aventure éphémère marquée par des désillusions successives. C’est une erreur d’appréciation car ils répondent à un agenda politique mise en place de longue date.

En effet, en RDC les idées et les expériences n’ont jamais fait l’objet d’une analyse critique. Les vieux réflexes continuent à mener une vie souterraine et influencent les comportements.

Et le risque est toujours présent, faute de compromis politique sur les questions essentiels, les calculs à court terme fondés sur des logiques tribales pour un pays fragile sont compromettants.

Ces élections qui arrivent à pas de géant connaissent des obstacles politiques et sécuritaires qu’il faut lever, du moins qu’il faut prendre en compte.

L’insécurité dans certaines zones sera un frein au déploiement du matériel et du personnel.

Politiquement, le gouvernement a émis le souhait de coupler un vaste recensement de la population au processus d’enrôlement des électeurs. Certains y voient déjà une piste de glissement !

Et les états major des candidats putatifs sont en ébullitions pour des alliances électorales. Les rivalités, les désaccords et les conciliabules se font de plus en plus jour.

Sauf qu’il y a urgence à faire taire les armes à l’est. Et Tshisekedi a besoin d’une stratégie politique qui englobe des réponses sociaux, économiques et de gouvernance dans cette partie du territoire national.

Au Rwanda, Kagame l’a fait. Tshisekedi devrait s’en inspirer pour sortir la RDC du marasme.

Il devra porter son regard sur la démesure du drame congolais et sur les fondements de l’expérience commune douloureuse : l’inversion des valeurs ou ce qu’ils ont appelés pendant la campagne électorale, les « anti valeurs » et qu’il a promis de combattre.

La vie politique congolaise est tapissée par une histoire profondément désenchantée qui ne cache plus son désarroi. Et ce désarroi a des origines plus lointaines.

Aux illusions qui trompent et consolent, Tshisekedi devra faire le choix du réel, sans fard ni relief.

Il n’y a rien de plus tragique que la politique.

L'instrumentation des identités en RDC est un des points de cristallisation des tensions entre les populations locales

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