Un basculement historique à Goma : entre chaos et mutation

Redigé par Tite Gatabazi
Le 26 janvier 2025 à 01:51

L’histoire récente regorge d’événements majeurs qui ont bouleversé les sociétés et redéfini les communautés humaines.

Al’image de la chute du mur de Berlin en 1989, symbole éclatant de la fin de la guerre froide et du triomphe des aspirations à la liberté, ces moments charnières illustrent la fragilité des systèmes établis face à la force irrésistible de l’histoire.

Tandis que certains, incrédules, assistent passivement à ces mutations, d’autres se mobilisent pour agir, embrassant les nouvelles dynamiques avec audace et conviction. Pourtant, il existe toujours ceux qui, attachés à un ordre révolu, tentent désespérément de préserver un statu quo rapidement balayé par les vents du changement.

Ces tournants historiques rappellent que, face aux grandes forces de transformation, l’inaction et la résistance au progrès cèdent inévitablement la place à de nouvelles réalités sociales et politiques.

L’histoire de Goma, déjà marquée par les soubresauts de crises successives, semble vivre un véritable changement d’époque, un basculement où le désordre, à la fois chaotique et révélateur, dessine les contours d’une nouvelle réalité politique et sociale en RDC.

Ce tableau, d’une intensité dramatique, mêle la confusion des armes à l’indifférence lointaine d’une capitale déconnectée, tandis que les protagonistes s’agitent au cœur d’un théâtre aux enjeux à la fois locaux, nationaux, régionaux et internationaux.

D’un côté, deux figures militaires alliées, le général Cirimwami des FARDC et le général Omega des FDLR, ont chuté, illustrant la fragilité des alliances qui sous-tendaient l’ordre précaire de la région. Leur disparition, loin de constituer un simple revers, s’inscrit dans une dynamique plus large de retournement des alliances, révélant l’incapacité des acteurs en présence à interpréter correctement les signes avant-coureurs d’un basculement historique.

La confusion atteint son paroxysme avec la mort de neuf casques bleus et de trois militaires de la SADC, tragédie qui souligne l’impasse d’une intervention internationale engluée dans des stratégies inadaptées aux réalités du terrain.

Sur le terrain, le chaos prend parfois une tournure presque grotesque : des chars de combat, censés incarner la puissance et la discipline, s’entrechoquent et se neutralisent dans un accident absurde au beau milieu des badauds, non pas sur le champ de bataille, mais dans les rues animées de la ville. Cet événement, symptomatique d’un commandement désorganisé, illustre la désarticulation des forces censées défendre l’ordre établi.

Pendant ce temps, la MONUSCO, procède à l’évacuation précipitée de son personnel, un geste désespéré qui traduit non seulement son impuissance, mais aussi son incapacité à anticiper les bouleversements.

Les capitales occidentales, dans une réaction empreinte d’urgence, instruisent leurs ressortissants de quitter immédiatement Goma, les orientant vers la ville voisine de Rubavu, au Rwanda. Cette fuite coordonnée révèle l’ampleur de la crise tout en accentuant l’impression d’abandon ressenti par les habitants, déjà confrontés à des incertitudes grandissantes.

Au cœur de ce tumulte, l’AFC/M23 adopte une posture inédite, s’adressant directement à la population pour la rassurer et lançant un ultimatum aux forces gouvernementales, sommées de quitter la ville. Ce recours au discours, qui instaure une légitimité auprès des populations locales, traduit une rupture avec les modes traditionnels d’affrontement : l’arène des batailles ne se limite plus aux affrontements armés, mais s’étend désormais au domaine de la communication.

Et pourtant, à Kinshasa, l'écho de ces bouleversements semble lointain, presque imperceptible. Dans les salons du pouvoir, on se raconte des récits d’une insoutenable légèreté, ignorant ou minimisant la gravité de la situation. Cette attitude, teintée de déni et d’indifférence, reflète une mauvaise lecture des circonstances présentes, qui ne fait qu’accélérer le basculement en cours.

Tandis que les alliances se désagrègent et que de nouveaux rapports de force émergent, la capitale demeure spectatrice d’une mutation qu’elle ne semble ni comprendre ni maîtriser.

Ainsi, Goma se retrouve aujourd’hui à la croisée des contradictions d’une époque en mutation, où les alliances vacillent, où l’ordre établi est remis en question, et où les populations locales, bien qu’au centre des enjeux, demeurent les grandes oubliées de ce bouleversement.

Ce moment historique, à la fois chaotique et porteur de sens, appelle une remise en question urgente des dynamiques de pouvoir et des stratégies adoptées face aux aspirations d’une région en quête de stabilité et de dignité.

Goma : ville de la RDC.

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