Le Parlement européen,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu les accords de Cotonou et sa clause relative à la démocratie et aux droits de l’homme,
– vu les comptes rendus de missions et les axes prioritaires d’action de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) au Burundi, en particulier sur la question de la lutte contre la faim et la malnutrition,
– vu les accords d’Arusha du 28 août 2000, notamment l’article 7, point 3,
– vu les différentes déclarations des représentants des Nations unies sur les droits de l’homme au Burundi dans la perspective de l’élection présidentielle prévue en 2015,
– vu ses précédentes résolutions sur le sujet, en particulier celles du 18 septembre 2014 et du 11 février 2015 sur la situation au Burundi,
– vu l’article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le Burundi a reculé de deux places dans l’indice de développement humain (PNUD) passant de la 178e place en 2013 à la 180e en 2014 ; que quatre personnes sur cinq vivent avec moins de 1,25 USD et que 66,9 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ; que le revenu national brut par habitant était, en 2013, de 280 USD, soit le plus faible du monde après le Malawi ;
B. considérant qu’au moins un Burundais sur deux est en situation de malnutrition chronique et que près de deux tiers, ou 58 % de tous les enfants de moins de cinq ans, souffrent de malnutrition chronique ; que le pays connaît le taux de faim le plus élevé des 120 pays où l’indice de la faim dans le monde a été calculé en 2012 ;
C. considérant que le Burundi est encore marqué par la guerre civile qui a eu lieu entre 1993 et 2005 et qui a fait 300 000 morts ; que, par la suite, des progrès ont été faits depuis la fin de la guerre, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé, mais que la situation est de nouveau tendue depuis 2010 ;
D. considérant que la situation politique au cours de la période 2013-2015 a été influencée par les élections législatives, qui doivent se dérouler en juillet et en août 2015 ;
E. considérant que les tensions politiques au Burundi s’intensifient depuis que le président Nkurunziza fait pression pour briguer un troisième mandat présidentiel ; que, déjà en 2010, la quasi-totalité de l’opposition avait boycotté les élections présidentielles et législatives permettant une large victoire du parti au pouvoir, le CNDD-FDD ; que l’opposition déclare de nouveau vouloir boycotter les élections au vu de la situation actuelle ;
F. considérant que, malgré la pression nationale et internationale, le 25 avril, Pierre Nkurunziza a été officiellement investi par le CNDD-FDD pour briguer un troisième mandat et qu’il a déposé sa candidature le 8 mai ;
G. considérant que, depuis, les manifestations de l’opposition et du pouvoir gagnent en ampleur et qu’elles ont dégénéré en émeutes les 26, 27 et 28 avril ; que l’armée a été déployée ; que, depuis le mois d’avril, les radios ont été interdites de couvrir les manifestations puis fermées ; que depuis les mobilisations continuent ;
H. considérant que, depuis le début des mobilisations, environ 78 personnes ont été tuées, plus de 500 ont été blessées, 800 ont été arrêtées et plus de 100 000 ont dû fuir le pays ;
I. considérant que la violence est encore aggravée par les actions des milices liées au pouvoir ; que plusieurs ONG et défenseurs des droits de l’homme dénoncent l’infiltration des forces de police et de l’armée par les milices du CNDD‑FDD ; que plusieurs allégations font part de la collusion de ces milices avec la milice hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ; que les milices et les services secrets sont impliqués depuis des années dans des exécutions extrajudiciaires ;
J. considérant que la situation actuelle risque de raviver la guerre civile, car le fait que Pierre Nkurunziza brigue un troisième mandat constitue une atteinte aux accords d’Arusha, dont l’article 7, paragraphe 3, dispose que le président de la République « est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois » et que « [n]ul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels » ; que la répression à l’encontre des partis d’opposition s’accentue et rend impossible toute campagne électorale ;
K. considérant les condamnations de la communauté internationale dans son ensemble face à l’attitude du pouvoir et à la suspension des missions électorales prévues par l’Union africaine (UA) et l’Union européenne dans le pays ;
L. considérant que les élections législatives et communales ont eu lieu le lundi 29 juin sous haute tension et sous boycott de l’opposition ;
1. se déclare très préoccupé par la situation au Burundi à l’approche des prochaines échéances électorales et souligne que cette situation peut avoir des conséquences dramatiques pour l’ensemble de la région ;
2. demande la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes ayant été arrêtées dans le cadre de l’exercice de leurs droits démocratiques ;
3. soutient la demande de la rapporteure spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme en Afrique, Mme Reine Alapini-Gansou, relative à l’ouverture d’une enquête sur les allégations concernant « l’existence de centres d’entraînement des jeunes Burundais à l’est de la République démocratique du Congo » et demande que cette enquête se déroule sous l’égide de l’ONU et de l’UA ; demande également qu’une enquête soit menée sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires rapportées depuis plusieurs années par les ONG nationales et internationales ;
4. demande par ailleurs que toute la lumière soit faite sur l’intégration des milices du CNDD-FDD aux forces armées et de police, et sur les allégations de collusion entre ces dernières et la FDLR rwandaise ;
5. exhorte le gouvernement du Burundi à mettre fin aux violences, à entamer un véritable dialogue politique sur les principales questions nationales et à abroger les lois restreignant la liberté d’expression et de rassemblement afin de garantir un climat propice à l’expression de la démocratie ; souligne dans ce contexte qu’il est impératif d’autoriser la réouverture des stations de radio fermées et détruites en avril 2015 afin de permettre à tous l’accès à l’information ;
6. soutient la demande de reprise immédiate du dialogue formulée par l’UA, l’ONU, la Communauté est-africaine et la Conférence internationale pour les Grands Lacs (CIRGL) ; soutient les résolutions du Conseil de paix et de sécurité de l’UA sur le Burundi demandant que la date des élections soit fixée par consensus entre les parties et que les milices soient désarmées dans les plus brefs délais ;
7. souligne l’illégitimité des élections qui ont eu lieu ce lundi ; soutient la demande d’annulation de ces élections ; estime que les conditions ne sont pas non plus réunies pour la tenue des élections présidentielles et insiste sur la nécessité de leur report jusqu’à la fin des tensions et le retour à l’état de droit dans le pays ;
8. estime que la crise actuelle ne peut être résolue que par un dialogue politique au niveau national et régional et ne doit en aucun cas servir de prétexte à une nouvelle intervention militaire dans la région ;
9. s’inquiète vivement de la situation économique et sociale de l’ensemble des populations sur le territoire du Burundi, notamment de celle des réfugiés et des personnes déplacées, dont le nombre va continuer à augmenter compte tenu des problèmes de sécurité interne au pays et des tensions dans les pays limitrophes ;
10. est particulièrement inquiet des discriminations et de la criminalisation de l’homosexualité au Burundi ; fait une nouvelle fois observer que l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont des questions qui relèvent du droit de l’individu à la vie privée, droit garanti par le droit international relatif aux droits de l’homme, en vertu duquel le principe d’égalité et de non-discrimination doit être protégé et la liberté d’expression garantie ; demande par conséquent à l’Assemblée et au gouvernement du Burundi d’abroger les articles du code pénal portant atteinte aux personnes LGBTI ;
11. demande à l’Union européenne et aux États membres de débloquer les fonds nécessaires afin de faire face à la situation humanitaire dans cette partie du monde et de travailler de concert avec les organismes de l’ONU, en particulier sur la situation de malnutrition chronique ;
12. estime que les problèmes du Burundi ne pourront être résolus dans le pays qu’en veillant à garantir les mêmes droits à tous les citoyens, en s’attaquant aux problèmes liés au contrôle des terres agricoles fertiles, au chômage et à la pauvreté, en luttant contre la corruption, la pauvreté, les inégalités et les discriminations, ainsi qu’en promouvant des réformes sociales, politiques et économiques afin de créer un État libre, démocratique et stable ;
13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement du Burundi, aux institutions de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, au Secrétaire général des Nations unies, à l’Assemblée générale des Nations unies, aux coprésidents de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE et au Parlement panafricain.
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