Depuis cette capitulation silencieuse, ces soldats devenus figurants, relégués à l’obéissance contrainte sous la tutelle paradoxale de ceux qu’ils étaient censés contenir, végétaient dans une attente morne, dilapidant leurs dernières parcelles de dignité dans l’inertie d’un mandat vidé de sa substance.
La retraite qu’ils amorcent par le Rwanda, en direction de la Tanzanie, n’a rien d’un redéploiement stratégique : elle est la translation pathétique d’une force devenue superflue, spectrale, dont la présence n’inspirait plus ni crainte, ni respect, mais une pitié mêlée d’agacement.
Ainsi s’éteint, sans éclat ni oraison, une ambition régionale avortée, trahie par les failles de son propre dessein et par l’incommensurable éloignement entre les discours de supranationalité sécuritaire et la réalité du terrain.
Le 29 avril 2025, une page discrètement mais irrévocablement tournée s’est écrite dans la chronique tumultueuse de la région des Grands Lacs. Les troupes de la SAMIDRC, force expéditionnaire de la SADC initialement déployée au Nord-Kivu sous l’égide d’un mandat offensif, ont amorcé leur retrait définitif.
Stationnées à Goma depuis leur mise en déroute stratégique face aux avancées coordonnées de l’AFC/M23, ces contingents ont entamé, dans un silence qui en disait long, une retraite par le corridor rwandais en direction de la Tanzanie, franchissant le poste frontalier de Rusumo comme on franchit une frontière intérieure du désaveu.
La scène, capturée par quelques caméras et décrite à mots voilés dans les récits populaires, confine à l’allégorie. Des soldats hagards, lestés d’un uniforme qui semble trop lourd pour leurs épaules désenchantées, marchent à pas feutrés, presque honteux, à la corniche de Rubavu.
Tête basse, regard fuyant, certains se glissent à l’ombre des camions militaires comme pour échapper non à l’ennemi, mais au regard sévère de l’Histoire. C’est là une évacuation sans fanfare ni drapeau, où le protocole martial cède le pas à une forme de discrétion résignée, presque coupable.
Un convoi motorisé, lourd d’équipements militaires désormais inutiles, fend la route poussiéreuse vers la frontière orientale de la Tanzanie. Le vacarme des moteurs tranche avec le mutisme des hommes, comme si la technique seule osait encore affirmer une forme de présence là où l’humain s’est dérobé. La logistique du repli, ordonnée mais sans éclat, scelle la défaite d’une mission dont le mandat politiquement contesté, aura souffert d’une double absence : celle d’une légitimité perçue et celle d’une efficacité tangible.
Cette évacuation, loin de constituer un simple mouvement tactique, marque le crépuscule d’un engagement militaire aux allures d’illusion. L’échec de la SAMIDRC n’est pas seulement celui d’une force en armes, mais celui d’un projet sécuritaire régional miné par les querelles d’États, les rivalités implicites et l’absence d’une stratégie cohérente face à la complexité protéiforme du conflit congolais.
Il est des défaites qui, par leur discrétion même, prennent des allures de jugement. À défaut d’avoir gagné la guerre, ces hommes n’auront su gagner ni les cœurs, ni les esprits. Le silence de leur retrait, loin d’atténuer leur échec, l’amplifie par contraste. Car c’est là une sortie sans honneur, un crépuscule sans lueur, une retraite sans récit épique.
Leurs bottes, qui foulent une dernière fois la terre du Kivu, n’y laissent aucune empreinte durable. Et pourtant, au-delà de la débâcle militaire, ce départ pose une question lancinante : à qui revient désormais la responsabilité du destin congolais ? Car si les soldats de la SADC s’en vont, les armes, elles, demeurent. Et avec elles, les ambitions, les frustrations et les plaies béantes d’un peuple meurtri.
Ils partent, disions-nous, pour ne plus revenir. Mais ce départ n’est pas une fin, c’est le commencement d’un nouvel acte, plus certain cette fois, dans la gouvernance révolutionnaire de l’AFC/M23.
Le rideau tombe sur la SAMIDRC, mais la scène, elle, reste ensanglantée et ouverte. L’Histoire jugera, mais déjà, elle écrit en lettres pâles le nom d’un échec diplomatique et militaire, aux allures d’adieu précipité.





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