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Hommage à Julius Nyerere : l’héritage d’un champion de l’unité et de la paix en Afrique

Redigé par Alain-Bertrand Tunezerwe
Le 15 octobre 2024 à 10:06

Le 14 octobre 1999, Julius Kambarage Nyerere, premier président de la Tanzanie et figure emblématique du panafricanisme, s’est éteint à l’âge de 77 ans, des suites d’une maladie à l’hôpital St Thomas de Londres. Vingt-cinq ans après sa disparition, son héritage politique, aussi bien pour la Tanzanie que pour le continent africain, demeure vivant et profondément respecté.

Un défenseur acharné de l’unité africaine

Nyerere a mené la Tanzanie à l’indépendance en 1961 et a occupé la présidence du pays jusqu’en 1985. Tout au long de sa carrière politique, il a prôné l’unité et la solidarité entre les nations africaines. Son combat pour l’amélioration des conditions de vie des Tanzaniens et des peuples africains en général était au cœur de son action politique. Il est également considéré comme l’un des principaux artisans du panafricanisme, consacrant ses efforts à promouvoir la coopération entre les États africains.

Son engagement pour l’unité ne se limitait pas aux frontières de son propre pays. Nyerere était profondément préoccupé par l’instabilité dans d’autres régions du continent. Il n’hésitait pas à s’impliquer personnellement pour tenter de résoudre les crises politiques dans divers pays, comme ce fut le cas au Rwanda, où il entretint des relations franches et critiques avec les dirigeants successifs.

L’histoire rappelle la fermeté de Nyerere face aux dérives politiques qu’il observait dans les pays voisins. L’un des exemples les plus frappants de son engagement remonte à ses interactions avec le premier président du Rwanda, Grégoire Kayibanda. Au cours d’une rencontre en Tanganyika, Nyerere n’a pas hésité à exprimer ses préoccupations quant à la politique de persécution des Tutsi menée par le régime de Kayibanda.

Dans un échange mémorable, Nyerere a confronté son homologue rwandais en ces termes : « Es-tu vraiment de notre côté ? Les autres pays africains sont préoccupés par l’expulsion des colons, mais toi, tu sembles être préoccupé par l’expulsion de tes propres citoyens de leurs maisons. »

Cette approche franche et directe de Nyerere s’est poursuivie sous le régime du président Juvénal Habyarimana. La Tanzanie, sous la présidence de Nyerere, fut l’une des premières nations à établir une ambassade au Rwanda en 1985, et les deux pays coopérèrent sur plusieurs projets d’infrastructure, comme la construction de la route Rusumo-Isaka et l’extension du port de Dar es Salaam.

Un acteur clé des accords de paix d’Arusha

Lorsque la guerre civile éclata entre les forces du Front patriotique rwandais (FPR Inkotanyi) et celles du régime Habyarimana dans les années 1990, Nyerere se mobilisa activement pour promouvoir une solution pacifique. En tant que l’un des principaux médiateurs, il accepta que les négociations entre les deux parties se tiennent à Arusha, en Tanzanie. Ces pourparlers aboutirent à la signature des accords d’Arusha le 4 août 1993, qui prévoyaient, entre autres, la cessation des combats, l’intégration des forces du FPR dans le gouvernement et le retour des réfugiés rwandais.

Bien que ces accords n’aient pas été respectés par le gouvernement de Habyarimana, leur conclusion marqua une étape cruciale dans le processus de paix, à laquelle Nyerere avait contribué avec sagesse et persévérance.

Une voix de sagesse qui a condamné le génocide contre les Tutsi

Après le génocide des Tutsi en 1994, Nyerere, bien qu’il ne fût plus président, exprima son chagrin et son incompréhension face à la tragédie qui avait secoué le Rwanda. Pour lui, l’idée que des Rwandais puissent s’entretuer sur la base de leur appartenance ethnique était inconcevable. Il déclara avec une profonde tristesse : « Au Rwanda, l’année dernière, ils se sont beaucoup entre-tués. Ne pensez pas qu’il s’agit de deux ethnies différentes, il y a ceux qu’on appelle Hutu et ceux qu’on appelle Tutsi, mais ils sont tous Rwandais. Ce ne sont pas des ethnies car une ethnie aurait son propre langage. Il n’existe pas de langue appelée Kinyatutsi, il n’existe pas de langue appelée Kinyahutu. Leur langue est le Kinyarwanda. »

Bien qu’il soit décédé, le 4 juillet 2009, à l’occasion de la célébration de la Journée de la Libération, le président Paul Kagame rendit hommage à Mwalimu Julius Nyerere pour son rôle inestimable dans les négociations de paix et dans le soutien qu’il apporta au Rwanda, même après le génocide. Une médaille d’honneur lui fut décernée à titre posthume et remise à son épouse, Maria Nyerere.

Lors de cette cérémonie, Paul Kagame déclara : « En tant qu’Africain respecté, Mwalimu Julius Nyerere était une voix constante, il fut profondément touché et comprenait le malheur qui s’était abattu sur le Rwanda, sous les yeux de la communauté internationale. La Tanzanie s’est engagée à être un médiateur dans le processus de résolution du conflit qui déchirait notre pays depuis longtemps. »

Aujourd’hui encore, l’héritage de Julius Nyerere continue d’inspirer les dirigeants africains et les peuples du continent. Son engagement pour la paix, la justice et l’unité africaine reste un modèle pour les générations futures. Il a laissé derrière lui sept enfants, dont cinq garçons et deux filles, et un continent profondément marqué par sa vision et ses actions.


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