Libération ou occupation de l’AFC/M23

Redigé par Tite Gatabazi
Le 29 avril 2025 à 02:38

Depuis la prise de contrôle de Goma, puis de diverses agglomérations stratégiques telles que Kavumu, Bukavu, Walikale par l’AFC/M23, c’est une recomposition en profondeur de l’ordre local qui s’est amorcée, bouleversant les équilibres précaires hérités d’un État congolais qualifié de failli.

Bien au-delà de l’interprétation convenue et superficielle relayée par une certaine presse occidentale et paresseuse ou par les chancelleries enclines à reproduire les grilles de lecture postcoloniales, cette dynamique dépasse de loin le cadre d’une banale « occupation » militaire.

Ce qui se joue dans l’Est du Congo, c’est une reconfiguration de la souveraineté territoriale par en bas, où l’autorité exercée ne procède plus exclusivement du monopole de la violence légitime, mais d’une nouvelle articulation entre légitimité populaire, contrôle territorial et rejet de l’ordre établi par Kinshasa.

Loin de céder au manichéisme qui enferme les protagonistes de cette guerre dans les dichotomies simplistes de « rebelles » contre « gouvernement légitime », Dr Bojana Coulibaly, éminente chercheuse et directrice du Programme des Langues Africaines à l’Université Harvard, propose une lecture audacieuse et érudite de ce soulèvement. Selon elle, l’AFC/M23 ne saurait être appréhendé uniquement sous l’angle du militarisme insurrectionnel ; il incarne, dans son essence, un mouvement de libération.

Coulibaly y décèle les linéaments d’un contre-pouvoir structuré, porteur d’un projet politique de substitution, enraciné dans les frustrations historiques d’une population marginalisée et dans le refus d’une gouvernance extractive, corrompue et fondamentalement déconnectée des réalités locales.

Ainsi, la conquête de Goma ne fut pas tant une victoire militaire qu’un acte inaugural d’une gouvernance alternative.

Il convient de rappeler que, sous l’autorité nominale de l’État congolais et malgré la présence prolongée de la MONUSCO, les populations vulnérables, en particulier les Tutsi congolais, demeuraient livrées aux persécutions endémiques : arrestations arbitraires, lynchages barbares, actes de cannibalisme et autres formes d’atrocités innommables.

C’est dans ce contexte d’effondrement structurel et moral que l’intervention de l’AFC/M23 a permis, pour la première fois en plusieurs décennies, de rétablir une véritable sécurité publique et de garantir à ces communautés un espace vital exempt de terreur.

La mise en place d’une administration civile fonctionnelle, d’une police encadrée et d’une armée disciplinée « l’Armée révolutionnaire congolaise” a instauré une stabilité que ni les institutions nationales ni la communauté internationale n’avaient su assurer.

De surcroît, l’action de l’AFC/M23 a permis aux déplacés historiques du Rutshuru et du Masisi, contraints à l’exil pendant près de trente ans, de retrouver la terre de leurs ancêtres, scellant ainsi un processus de réappropriation identitaire et territoriale sans précédent.

Ainsi, qualifier Goma de « ville occupée » relève d’un contresens historique et d’une falsification tendancieuse. Elle est, dans les faits, une cité libérée, où l’intégrité humaine et la dignité recouvrent progressivement leur sens. Ce changement de paradigme exige de la communauté internationale non pas des condamnations mécaniques, mais un soutien lucide et stratégique.

L’AFC/M23 : Symbole d’une nouvelle espérance Africaine

Le discours convenu, consistant à réduire l’AFC/M23 à un simple groupe rebelle déstabilisateur, ignore l’essentiel : son action incarne l’émergence d’un modèle africain de gouvernance locale, autonome et soucieux du bien commun.

Là où les dispositifs onusiens et les interventions humanitaires se sont heurtés à l’inertie bureaucratique et à la complexité du terrain, l’AFC/M23 a imposé, fût-ce par les armes, une stabilité pragmatique et tangible.

En restaurant une forme d’ordre public là où l’État central s’était depuis longtemps désagrégé, en garantissant un accès plus stable et sécurisé aux services essentiels : santé, éducation, infrastructures dans des territoires historiquement relégués aux marges de l’attention gouvernementale, l’AFC/M23 opère, selon Dr Bojana Coulibaly, une rupture paradigmatique dans les modalités de gouvernance en Afrique centrale.

Ce réagencement du pouvoir ne relève pas d’une simple substitution de forces, mais manifeste l’émergence d’un contre-modèle, autochtone, apte à soustraire les populations à l’emprise chronique d’une corruption systémique et d’une marginalisation institutionnalisée. Il s’agit d’un projet politique d’une radicalité silencieuse, qui substitue à la verticalité autoritaire du régime congolais une forme d’organisation enracinée dans les dynamiques locales et les aspirations communautaires.

Dans cette optique, Dr Coulibaly entrevoit dans l’AFC/M23 les linéaments d’une vision africaine rénovée, affranchie des logiques d’infantilisation diplomatique et d’assistanat perpétué par les dispositifs d’aide internationale.

Contre l’image du « continent problématique » figé dans la dépendance humanitaire, elle oppose celle d’un espace en recomposition, où les peuples, loin de demeurer de simples objets de politique étrangère, redeviendraient les sujets politiques de leur propre avenir. Loin des clichés de l’anarchie insurgée, le mouvement mettrait en œuvre une praxis autonome, dans laquelle la légitimité ne procède plus de la reconnaissance internationale mais de l’efficacité concrète, de la proximité avec les réalités sociales et de la capacité à reconfigurer un destin collectif à partir de la marge.

Ce faisant, l’AFC/M23 ne se contente pas de contester l’État congolais ; il en propose une reformulation politique depuis le terrain.

Il serait dès lors vain, et politiquement contre-productif, de persister à stigmatiser ce mouvement. La véritable sagesse consisterait à reconnaître dans ce dernier une force transformatrice, à l’associer à l’édification de structures étatiques nouvelles et inclusives, et à favoriser, avec lui, l’avènement d’un Congo pacifié, souverain et économiquement viable.

Ainsi, Rutshuru, Masisi, Kalehe, Goma, Bukavu, Uvira, Walikale sous l’égide de l’AFC/M23, ne se contentent pas d’être sécurisée : elles deviennent l’épicentre d’une révolution silencieuse, celle de la reconquête de la dignité africaine par les Africains eux-mêmes.

Depuis la prise de Goma puis d'autres villes clés par l’AFC/M23, l’ordre local est en pleine recomposition

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