L’honorable She Okitundu élève la voix, fustigeant ses pairs sur cette acceptation docile de l’inacceptable. « Kinshasa, dit-il, la cité aux mille histoires, est devenue la plus sale d’Afrique ! L’hygiène s’est éteinte comme un rêve oublié, les rues sont noyées de désordre, les transports engloutis par un chaos que personne n’ose plus défier. » La saleté et la violence ne choquent plus, tant elles sont devenues des compagnes familières.
Les racines de cette triste saga plongent dans un passé de trahison et de grandeur effondrée. Depuis le jour béni de l’indépendance, le 30 juin 1960, la RDC s’est battue contre elle-même, traversée de coups d’État et d’ingérences étrangères, de querelles de pouvoir et d’instabilité perpétuelle. Et dans cette lutte sans fin, l’innocence s’est perdue, les valeurs se sont érodées, laissant place à une tolérance glacée envers le vice.
En 1974, l’épopée zaïroise battait son plein ; le peuple chantait les noms des héros du football, célébrant des victoires qui offraient l’illusion d’une unité fière. Mobutu Sese Seko, tout puissant, éleva son trône sur la complaisance et la corruption, laissant les acquéreurs s’enivrer de richesses pillées. Les années passèrent, et avec elles, la corruption se cimenta dans le quotidien, devenant une langue partagée, un secret public murmuré sans honte.
Le poison s’insinua dans chaque recoin du pays : le clientélisme, ce pacte de fidélité fondé non sur la compétence mais sur l’allégeance, mit à genoux l’État et brisa l’éthique. Les plus humbles, écrasés par une pauvreté sans fond, prirent la corruption comme une monnaie d’échange, un acte de survie dans une société où la vertu n’offrait plus de refuge.
Aujourd’hui, les institutions vacillent sous le poids de leur propre impuissance. Les juges sont des spectateurs désarmés, leur indépendance muselée par des dirigeants enivrés de pouvoir. Dans cette impasse, la violence s’est faite loi, et l’Est du pays, déchiré par les conflits, en porte la cicatrice béante. Des milices règnent en maîtres, imposant leur ordre brutal là où l’État s’est retiré, transformant les vies en survie.
Les fils et les filles du Congo se sont habitués à cette tyrannie douce, à cette violence qui n’étonne plus, au mal qui ne choque plus. Mais il reste un souffle, un murmure d’espoir. Car si les Congolais laissent leur indignation prendre forme, s’ils se lèvent pour exiger une justice inflexible, alors la RDC pourrait enfin espérer se libérer de ce cycle infernal. La renaissance ne viendra pas de simples paroles ; elle naîtra d’une action furieuse, d’une détermination fiévreuse, capable de laver les péchés du passé.
Le Congo est prêt à se relever, à puiser dans la profondeur de son être pour restaurer sa dignité perdue. La route est longue, les défis nombreux, mais quelque part dans l’âme collective, il y a cette étincelle d’un Congo meilleur, où l’État retrouvera sa légitimité, où la corruption ne sera plus un passage obligé, et où les cœurs, purifiés, se tourneront vers un avenir de lumière et de paix.
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