Elle constitue l’ultime effondrement d’un édifice déjà fragilisé depuis longtemps, le point final d’une aventure internationale dont le coût, supérieur à 25 milliards de dollars pour la seule communauté internationale, n’a produit qu’un résultat paradoxal et déroutant : plus le nombre de casques bleus augmente, plus la prolifération des groupes armés s’accélère. Si ce départ suscite une résonance particulière, c’est parce qu’il dévoile, sans fard, la faillite méthodique d’une mission qui s’est prisonnière de sa propre hypocrisie.
Une Mission Billionnaire pour un Résultat Inexistant
La MONUSCO demeure la mission la plus onéreuse de l’histoire de l’Organisation des Nations unies, avec un budget annuel approchant 1,1 milliard de dollars. Une somme astronomique dont le rendement concret sur le terrain reste pour le moins énigmatique.
Lors de son déploiement initial, quelques groupes armés occupaient la région ; vingt-cinq ans plus tard, ils se comptent par centaines, dépassant les 130 entités. L’Est congolais s’apparente ainsi à un musée vivant de l’échec international, tandis que la MONUSCO s’érige en industrie de la paix qui ne survit que grâce à l’absence même de la paix.
Bintou Keita, arrivée avec le discours habituel de la diplomatie préventive et de l’approche holistique, quitte une région plus instable qu’à son entrée en fonction. La mission, transformée en tour d’observation fortifiée, retranchée derrière des murs de béton, a vu les massacres de civils se poursuivre à quelques kilomètres de ses positions, tandis que les rapports s’empilent dans une bureaucratie qui a remplacé l’action, et la communication la vérité.
Sous la direction de Keita, la MONUSCO s’est en outre enlisée dans un obsessionnel et politisé mécanisme de communication : réduire la crise congolaise à un bras de fer avec Kigali. Cette focalisation a permis d’éluder les véritables causes structurelles de l’instabilité : la gouvernance vacillante de Kinshasa, le chaos organisé au sein des FARDC, la corruption tentaculaire dans l’appareil sécuritaire et l’effondrement de l’autorité de l’État sur près d’un tiers du territoire. En adoptant trop docilement le narratif officiel congolais, la MONUSCO a sacrifié sa neutralité et s’est muée en acteur politique, souvent contreproductif.
La Complicité Silencieuse et l’Alliance FARDC–FDLR
Le cœur du scandale réside dans cette complicité tacite. Tandis que l’ONU condamne officiellement certains groupes armés, l’armée congolaise qu’elle soutient sur le terrain combat de facto aux côtés de certains de ces mêmes groupes. L’exemple des FDLR, héritiers directs de l’idéologie génocidaire de 1994 et inscrits sur les listes de sanctions internationales, est éclairant. Ces forces opèrent en étroite coordination avec les FARDC, partageant munitions, renseignements et offensives, tandis que la MONUSCO, bien qu’informée de ces collaborations, choisit le silence, évitant ainsi de mettre en lumière une contradiction majeure : soutenir une armée qui coopère avec ceux que l’ONU prétend combattre.
Parallèlement, plusieurs chefs de guerre autrefois sanctionnés ont été recyclés par Kinshasa sous l’étiquette “Wazalendo”, devenant des partenaires opérationnels des FARDC malgré leur présence récurrente dans les rapports et bases de données de l’ONU. La MONUSCO continue alors d’apporter son soutien logistique à une armée dont les alliés sont, par définition, ceux qu’elle est censée neutraliser. L’absurdité atteint ici un paroxysme schizophrénique.
Le départ de Keita ne relève pas d’un simple changement de personnel : il traduit la conscience que le mandat onusien est devenu indéfendable. Quitter ce navire, rongé par le cynisme, équivaut à un acte de survie morale, car la mission prétend protéger les civils tout en alimentant indirectement les forces qui les terrorisent.
En laissant derrière elle une mission discréditée, une confiance populaire réduite à néant et un mandat onusien transformé en mécanisme de gestion du chaos, Bintou Keita met fin à une tragédie annoncée. La question n’est plus de savoir pourquoi elle démissionne, mais combien de temps l’ONU pourra encore maquiller un échec dont elle est devenue partie prenante.














AJOUTER UN COMMENTAIRE
REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Ne vous eloignez pas du sujet de discussion; Les insultes,difamations,publicité et ségregations de tous genres ne sont pas tolerées Si vous souhaitez suivre le cours des discussions en cours fournissez une addresse email valide.
Votre commentaire apparaitra apre`s moderation par l'équipe d' IGIHE.com En cas de non respect d'une ou plusieurs des regles d'utilisation si dessus, le commentaire sera supprimer. Merci!