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‘Le grand scandale de la Ve République’ : Duclert démystifie le soutien de Mitterrand au Président Habyarimana

Redigé par Franck_Espoir Ndizeye
Le 12 janvier 2024 à 02:15

Vincent Duclert, historien reconnu et expert du génocide, a de nouveau mis en lumière le rôle controversé de la France dans le génocide perpetre contre les Tutsis au Rwanda en 1994, notamment en soulignant le soutien de François Mitterrand, alors président français, au gouvernement de Habyarimana impliqué dans cette tragédie.

Rapporté par le journal Le Point jeudi 11 janvier 2024, à l’approche du trentième anniversaire de ce génocide anti-Tutsi, qui a fait plus d’un million de victimes en trois mois, l’engagement de Duclert dans la recherche sur ce sujet est notable. Directeur du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron et spécialiste de l’affaire Dreyfus, il s’est d’abord concentré sur le génocide arménien avant de se tourner, depuis 2016, vers le génocide perpétré contre des Tutsis du Rwanda.

En 2019, sous la présidence d’Emmanuel Macron, Duclert a été chargé de diriger la Commission de recherche sur les archives françaises concernant le Rwanda et le génocide des Tutsis de 1990 à 1994. Le rapport de la commission, publié en 2021, a mis en évidence l’implication profonde de la France dans le génocide.

Dans son livre récent intitulé « Le grand scandale de la Ve République », Duclert révèle que la France avait une politique particulière vis-à-vis du Rwanda, et il identifie l’erreur majeure de Mitterrand : son ignorance délibérée de la planification du génocide et son influence sur le gouvernement impliqué, sous prétexte que ce dernier avait des raisons valables.

Il note que Mitterrand a continué de se montrer obstiné, même face à ceux qui comprenaient la gravité des actions en cours, entraînant des persécutions et des écartements.

Duclert déclare que les Français étaient au Rwanda depuis 1962, ils savaient que ce n’était pas la ’Suisse de l’Afrique’ mais un pays gouverné par un régime enclin à la discrimination, à la corruption et à la violence. Pourtant, lorsqu’on abordait ces sujets, ils faisaient la sourde oreille.

La coopération entre l’armée française et l’armée rwandaise.

Duclert affirme que cette coopération a pris diverses formes et s’est intensifiée entre 1990 et 1993 avec l’envoi de troupes françaises au Rwanda. Il mentionne l’unité chargée de protéger les expatriés français et l’unité spéciale responsable de la formation de l’armée rwandaise.

Entre 10 000 et 30 000 soldats rwandais ont été formés durant cette période, soulignant que l’implication de la France dépassait le cadre militaire pour s’étendre au politique.

Duclert cite dans son livre : « Avant le 6 avril – avant la phase paroxysmique du génocide –, il y avait la préparation, le processus génocidaire. On pouvait encore intervenir. Ce qui est accablant, c’est que cette phase se déroulait au moment où la France était massivement présente. »

Il continue : « La France était en mesure d’arrêter ce processus, de confronter Habyarimana. Elle ne l’a pas fait. C’était une incitation. » et « La responsabilité réside aussi dans la non-reconnaissance du génocide et des responsabilités de la France. On évitait de poser les questions fondamentales. Dans son discours à Biarritz, Mitterrand expliquait en 1994 que la France n’était en rien responsable quand des chefs locaux règlent leurs comptes à la machette. »

La France considérait le FPR comme un ennemi

Vincent Duclert expose la perspective de la France vis-à-vis du Front patriotique rwandais (FPR). Malgré les alertes, le régime de François Mitterrand percevait le FPR comme un ennemi, fermant ainsi les yeux sur les avertissements. Même si Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, avait identifié et reconnu le génocide dès le 16 mai, la préoccupation principale n’était pas de l’arrêter.

Duclert critique les opérations françaises Amaryllis et Turquoise, affirmant qu’elles n’avaient pas pour but de stopper le génocide. Selon lui, ces opérations ont plutôt généré de la confusion et des contre-ordres.

" L’opération Amaryllis comme l’opération Turquoise n’ont pas pour objectif d’arrêter le génocide. Cela amène de la confusion, des contre-ordres."

Il pointe du doigt les contradictions dans les actions françaises, en particulier dans la région de Bisesero, où des milliers de Tutsis cherchaient refuge.

Il décrit la dualité des perceptions : d’un côté, Bisesero était vu comme un havre pour des milliers de survivants du génocide de la région de Kibuye ; de l’autre, certains le considéraient comme un repaire de partisans Tutsi du FPR, devant être combattus par les forces militaires.

En juin 2021, la Commission Duclert a visité Ibuka et d’autres organisations représentant les survivants du génocide perpétré contre les Tutsi. Duclert a exprimé son engagement à poursuivre la recherche de la vérité même après la fin de son travail, affirmant que son rapport constitue une base solide pour comprendre les événements.


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