Minembwe sous les bombes ou une épuration ethnique planifiée

Redigé par Tite Gatabazi
Le 1er juillet 2025 à 10:04

Alors même que l’encre de l’Accord de Washington n’avait pas encore séché, scellant avec emphase la promesse de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda sous l’égide des États-Unis, les cieux de Minembwe ont été déchirés par le fracas des bombardiers Sukhoï congolais.

Au lieu de résonner des chants d’indépendance, cette région martyr a été le théâtre d’un carnage aérien d’une cruauté inqualifiable. Ce 30 juin 2025, jour de commémoration de la souveraineté nationale, le drapeau congolais s’est vu souillé par un acte de guerre contre ses propres citoyens, un acte aussi lâche que criminel.

Le gouvernement de Kinshasa, par la volonté explicite de son Chef suprême des armées, a ordonné une frappe contre un avion humanitaire atterrissant sur la piste de Minembwe. Cet appareil transportait des médicaments, des vivres, et de l’assistance pour des populations exsangues. Non content d’avoir abattu un avion civil, les forces congolaises ont ensuite bombardé les villages environnants, ciblant sans distinction les habitations, les centres de soins de fortune et même le bétail, unique source de revenu et de survie pour ces communautés délibérément affamées.

Cet acte dépasse le seuil de la provocation. Il constitue une double trahison : trahison de l’accord de paix signé quelques heures plus tôt, et trahison du droit international humanitaire.

Le ciblage délibéré de civils, la destruction de biens indispensables à leur survie, et l’attaque d’un aéronef humanitaire sont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au regard du Statut de Rome.

Ces actes relèvent de la responsabilité pénale directe du Président Félix Tshisekedi, en sa qualité de chef suprême des armées et d’autorité politique ayant validé l’opération.

Il ne s’agit plus ici d’un simple débordement militaire ou d’une erreur d’appréciation tactique. Il s’agit d’un projet structuré, cohérent et poursuivi avec obstination, visant à anéantir une composante spécifique de la population congolaise dans le Haut Plateau du Sud-Kivu : les Banyamulenge. Leur bétail est systématiquement décimé, leur approvisionnement humanitaire coupé, leurs chefs spirituels et communautaires pris pour cible, et leur présence réduite à une existence fantomatique, assiégée par les bombes et par la faim.

Ce qui se joue à Minembwe, loin des salons climatisés de la diplomatie internationale, c’est une épuration ethnique à bas bruit, une entreprise de purification territoriale maquillée derrière le paravent d’un narratif nationaliste manipulateur. La rhétorique de « la lutte contre les rebelles » ne saurait justifier l’anéantissement méthodique de populations civiles isolées. Chaque bombe larguée à Minembwe ne fait que fissurer davantage le masque démocratique que Kinshasa s’efforce de porter devant la communauté internationale.

Ce carnage survient quelques jours après la relance, dans l’Accord de Washington, du Concept d’Opérations (CONOPS) défini à Luanda qui visait prioritairement le désarmement des FDLR, milices génocidaires d’origine rwandaise opérant dans l’Est congolais. Au lieu de cela, Kinshasa concentre ses frappes non sur ces éléments perturbateurs, mais sur une population qui, loin de représenter une menace, est systématiquement ciblée en raison de son identité ethnique. Le renversement cynique des priorités militaires illustre le degré de duplicité d’un régime qui signe la paix d’une main et déclenche la guerre de l’autre.

L’impunité ne peut plus durer. Les faits sont documentés, les responsabilités identifiables, et le silence complice de certaines chancelleries internationales ne saurait servir de paravent aux obligations du droit international.

L’heure est venue de saisir la Cour pénale internationale, d’exiger des enquêtes indépendantes sous mandat onusien et d’imposer des sanctions ciblées aux responsables de ces atrocités. L’avenir du Haut Plateau ne saurait être abandonné à la stratégie de la terre brûlée.

Minembwe n’est pas un terrain de manœuvre : c’est un territoire habité, une terre de culture, une communauté dont l’existence est méthodiquement réduite à néant.

La République démocratique du Congo ne peut prétendre au respect des nations libres tout en perpétrant des actes dignes des heures les plus sombres de l’histoire africaine postcoloniale. C’est à Minembwe que se joue la véritable souveraineté : celle d’un État capable ou non de protéger tous ses citoyens, y compris ceux qu’il préfère ne pas voir exister.

Maître Moïse Nyarugabo Muhizi Mugeyo, figure politique et juridique de la République Démocratique du Congo

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