Les Wazalendo ou chairs à canon d’un pouvoir sans mémoire ni morale

Redigé par Tite Gatabazi
Le 1er juillet 2025 à 11:07

Hier encore hissés au rang de héros d’un patriotisme incandescent, les Wazalendo, les criminels enrôlés à la hâte et galvanisés par un discours martial à la fois populiste et imprévoyant sont aujourd’hui les spectres d’une trahison politique délibérée.

Jadis instrumentalisés comme supplétifs de fortune dans une guerre sans doctrine, ils incarnent désormais la figure tragique des chairs sacrifiées sur l’autel d’une souveraineté mimée. Érigés en rempart émotionnel d’un régime désorienté, ils furent employés comme camouflage à l’impuissance de l’armée régulière, transformés en vassaux précaires d’un ordre militaire hybride, sans reconnaissance, sans encadrement digne, sans lendemain.

Et maintenant que leur utilité tactique s’est érodée dans le sable mouvant des compromissions diplomatiques, Kinshasa les a relégués dans l’ombre, livrés à la mort lente, aux embuscades inéluctables, à l’oubli orchestré. Leur sort tragique illustre, avec une clarté cruelle, le cynisme d’un pouvoir qui ne conçoit ses enfants que comme des munitions jetables, et son peuple comme une variable d’ajustement dans l’équation de sa survie politique.

Il fut un temps, pas si lointain, où l’on célébrait à Kinshasa les Wazalendo comme les nouveaux hérauts d’un patriotisme en armes, surgis du tréfonds de la colère populaire pour défendre la souveraineté de la nation contre les incursions étrangères et les trahisons internes.

Promus par le régime de Félix Tshisekedi avec une ferveur messianique, ces combattants d’appoint furent portés au pinacle d’un discours nationaliste belliqueux, tolérés, puis légalisés au mépris de toutes les normes de droit, de commandement militaire et de cohérence sécuritaire.

Aujourd’hui, l’on n’entend plus parler des Wazalendo. Le silence est devenu aussi assourdissant que leur déroute est tragique. Ces jeunes, en grande majorité issus des communautés Baswahili, hier glorifiés et galvanisés, se retrouvent désormais désarmés, divisés, et cruellement exposés à la mort. Tels des chairs à canon offertes en holocauste politique, ils sont sacrifiés dans les recoins les plus obscurs des fronts de l’Est, sans logistique, sans protection aérienne, sans doctrine claire, sans même la reconnaissance d’un commandement digne de ce nom.

Cette volte-face de Kinshasa, aussi brutale que cynique, relève d’une logique sacrificielle. Le pouvoir, après avoir surexploité l’élan des Wazalendo à des fins de propagande et de diversion, les jette maintenant comme des déchets encombrants dans le gouffre d’une guerre mal maîtrisée.

Les communautés dont sont issus ces jeunes combattants paient aujourd’hui le prix fort d’un engagement arraché dans l’urgence, sans cadre légal, sans perspective politique, et sans garanties institutionnelles.

Dans un pays où le droit est souvent inféodé à l’opportunisme, les Wazalendo n’étaient pas destinés à durer, mais à mourir utilement, à être les marionnettes d’une rhétorique creuse sur la résistance populaire, tout en absorbant les coups là où l’armée régulière refusait ou échouait à intervenir. Ils ont servi de paravent émotionnel, de substitut à une armée minée par ses propres contradictions, de levier pour agiter la fibre patriotique dans l’opinion publique. Et maintenant qu’ils sont devenus une gêne stratégique, ils sont réduits au silence, aux tombes collectives, et à l’oubli organisé.

Mais le moment est peut-être venu, pour ces jeunes gens, de se départir des illusions qui les ont séduits, et d’acquérir une lucidité révolutionnaire. Il leur faut désormais comprendre qu’ils n’étaient pas les bâtisseurs d’un nouvel ordre patriotique, mais les otages d’une stratégie politicienne de la tension, les soldats d’un rêve qu’ils n’ont pas écrit. C’est dans cette prise de conscience que réside leur ultime dignité. Celle de refuser le rôle d’exécutants dans une tragédie qui les dépasse, et de se dresser non plus contre un ennemi extérieur imposé mais contre le système même qui les a trahis.

Hier portés au rang de héros, les Wazalendo — criminels enrôlés à la hâte — ne sont plus que les fantômes d’une trahison politique assumée

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