Une parole diplomatique qui rappelle les frontières de l’humain

Redigé par Tite Gatabazi
Le 29 décembre 2025 à 11:58

« Extrêmement choqué des propos tenus aujourd’hui par le porte-parole de l’armée congolaise, le Général Ekenge, ciblant la communauté tutsi. C’est absolument indigne de la part d’un représentant officiel. Je les condamne avec la plus grande fermeté. Tout discours de haine doit être rejeté en toutes circonstances. La concorde nationale ne peut se construire que dans un esprit d’inclusion de toutes les communautés. »

C’est par ces mots d’une rare clarté que le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a pris publiquement position. Cette condamnation nette, dénuée d’ambiguïté diplomatique, sert de clef de lecture à la situation présente : elle rappelle que le verbe peut blesser, exclure, déshumaniser et que l’autorité, lorsqu’elle en abuse, porte une responsabilité éminente.

Une parole diplomatique qui rappelle les frontières de l’humain

La prise de position publique du ministre des Affaires étrangères belge, Maxime Prévot, dénonçant avec une rare netteté les propos du général Ekenge, porte-parole des FARDC, visant la communauté tutsi, constitue bien davantage qu’un simple geste de circonstance. Elle est rappel à l’ordre moral, rappel à la loi non écrite des sociétés civilisées selon laquelle l’atteinte à la dignité humaine ne peut être tolérée ni relativisée.

En condamnant explicitement un langage de stigmatisation visant la communauté tutsie, la diplomatie belge réaffirme une évidence simple et pourtant fragile : il existe, au cœur de toute communauté politique, des lignes rouges qu’aucun pouvoir, aucune exaspération, aucune rhétorique guerrière ne saurait franchir impunément.

Que cette condamnation émane d’un responsable gouvernemental renforce sa portée. Elle rappelle que le discours officiel n’est pas neutre : il éduque ou il avilit. Lorsque l’autorité abuse du verbe pour désigner une communauté entière comme cible, elle délégitime la citoyenneté partagée et prépare les fractures les plus périlleuses.

A l’inverse, lorsque l’autorité diplomatique rappelle la primauté de l’inclusion et de la concorde nationale, elle se fait gardienne de la mémoire historique et de l’expérience tragique de l’humanité : la déshumanisation commence par le mot, et le mot irresponsable prépare des réalités funestes.

La déclaration citée s’inscrit ainsi dans la tradition des mises en garde solennelles lancées lorsqu’un pays s’approche, par la banalisation du discours de haine, des abîmes que l’on croyait à jamais refermés. Elle affirme avec fermeté que la société n’est pas un champ d’expérimentation pour les passions identitaires et qu’aucune cause politique, si “noble” se prétend-elle, ne saurait trouver légitimité dans la désignation d’ennemis intérieurs.

Le scandale du silence international et la tentation du repli des peuples

Mais c’est précisément parce que cette condamnation est juste qu’elle révèle, par contraste, quelque chose d’infiniment préoccupant : la solitude de cette voix. Le mutisme persistant, ou les réactions tardives et timorées d’acteurs majeurs de la scène internationale, grandes puissances, organisations régionales, institutions multilatérales et ONG de défense des droits humains, résonnent comme un silence assourdissant.

Or, face à la propagation d’un discours de haine visant un groupe clairement identifié, le silence n’est pas une posture neutre : il devient message, il devient signal. Il est perçu comme tolérance, indifférence, voire acquiescement tacite.

Cette inertie diplomatique nourrit, dans les sociétés directement visées par la stigmatisation, un sentiment d’abandon. Elle accrédite l’idée que l’indignation des puissants serait à géométrie variable, que l’horreur ne scandaliserait la conscience internationale que lorsqu’elle correspond à des intérêts stratégiques.

Une telle sélectivité morale mine la crédibilité des discours sur les droits humains ; elle dévoile, sous le vernis des principes proclamés, la permanence des calculs et des convenances.

C’est là un danger politique majeur. Lorsque les peuples constatent que leur dignité bafouée ne suscite que peu d’écho, ils sont tentés de se replier sur eux-mêmes, de « se prendre en charge » dans un sens parfois ambigu, c’est-à-dire en se détachant des cadres collectifs du droit international et de la solidarité universelle.

Le risque est alors double : d’une part la marginalisation morale des institutions censées protéger les plus vulnérables ; d’autre part l’émergence d’attitudes de défiance généralisée qui fragilisent davantage encore des équilibres déjà précaires.

Ainsi, le silence de la communauté internationale ne constitue pas seulement une faute symbolique : il est une défaillance éthique. Il laisse se banaliser la parole de haine ; il délègue aux rapports de force ce qui devrait relever du droit et de la conscience.

Or la responsabilité la plus élémentaire des nations et des organisations internationales est d’affirmer clairement que la dignité humaine n’est jamais négociable, quel que soit le contexte géopolitique.

Il appartient dès lors aux acteurs internationaux de rompre avec la logique de l’indignation sélective, du deux poids, deux mesures, d’affirmer avec constance que l’inclusion de toutes les communautés n’est pas une option mais un fondement.

Faute de quoi, le monde entérine une redoutable leçon : l’inacceptable ne serait plus universellement condamné, mais seulement lorsque cela arrange. C’est précisément cette dérive qu’il faut conjurer si l’on veut que les principes proclamés demeurent autre chose que des mots creux.

La dénonciation par le ministre belge Maxime Prévot des propos du général Ekenge envers les Tutsi est un rappel essentiel au respect de la dignité humaine

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