Ca y est ils y sont. Mais quel parcours ?

Il est important de dégager le sens à donner à cette visite et d’en mesurer la portée. C’est un moment décisif dans la nouvelle relation voulue par nos deux dirigeants.
Macron et Kagame ont cheminé ensemble, depuis 2017, pas à pas et méthodiquement.

« Ce que nous devons, c’est la vérité et non chercher à nous débarrasser d’un passé qui ne passe pas »,a dit Macron lors de la conférence de presse conjointe avec Kagame.

« La vérité est irréversible », estime l’ancien Ambassadeur Dr Joseph Nsengimana, dans une intervention à la radio nationale.

Interrogé par la presse, Duclert, président de la commission française a répondu que : « la recherche sur un tel passé n’est pas synonyme de danger mais de vérité et d’honneur ».

Il est vrai que cette visite avait fait couler beaucoup d’ancre en France dès qu’elle fut annoncée.

« Vous avez rendez vous demain avec l’Histoire(…) avec l’Histoire tragique, sombre, l’Histoire que l’on ne préférerait ne jamais croiser, ne jamais connaitre. L’Histoire des marécages où flottent les corps boursouflés des enfants morts, l’Histoire des églises transformées en abattoirs ou des collines tapissées de cadavres. L’Histoire des fosses sceptiques de Kigali dans lesquelles, dix ans après les tueries, on trouvait encore les squelettes des suppliciés et les jupes déchiquetées des femmes violées ».

Ces mots sont ceux d’une lettre ouverte que Raphael Glucksmann, Député Européen mais aussi réalisateur du documentaire « Tuez-les tous » sorti en 2005, a adressé à Macron la veille de son voyage pour Kigali.

Il n’y a pas que lui, tous les observations et acteurs de la relation tendue et conflictuelle entre nos deux pays s’interrogeaient et piaffaient d’impatience. Tant cette visite était chargée en émotions.

Dans leurs interventions, nous avons compris qu’ils ont entamé un travail commun à la fois sur la normalisation des relations bilatérales mais aussi et surtout, qu’ils ont traité ensemble des questions multilatérales.

On a vu le Président Kagame s’investir sur la scène internationale. Ce que l’on savait moins, c’est cette communion avec le Président Macron sur ces grands défis du monde que sont, la santé, le numérique, la gouvernance économique mondiale, la gestion des conflits, l’éducation pour tous, la francophonie et bien d’autres.

Le partage des opinions et des convictions et la convergence des vues doivent avoir joué un rôle moteur dans le raffermissement de cette nouvelle dynamique voulu par les deux Chefs d’Etats.

Ils reconnaissent la charge de l’histoire et affichent l’ambition de la dépasser aux noms des intérêts communs.

Macron a révélé à la face du monde, que c’est de commun accord que les commissions Duclert pour la France et Muse pour le Rwanda se sont mis au travail. Afin de ne pas « occulter les difficultés que nos deux pays ont pu traverser » a-t-il dit.

Et Macron d’ajouter qu’ « en trois ans, nous avons franchi ensemble plusieurs étapes et lever plusieurs obstacles. Parce qu’il fallait passer par un examen de vérité ». Ce qui a permis « d’avancer vers une histoire partagée et surtout d’en ouvrir une nouvelle » a-t-il poursuivi.

Mais les dossiers de la normalisation passent par le centre culturel francophone de Kigali inauguré ce 27 mai 202, le renforcement de la coopération judiciaire afin de « lutter contre l’impunité des génocidaires résident en France, car il ne saurait y avoir de réconciliation sans la justice et la nomination d’un nouvel ambassadeur de France au Rwanda ».

Le moment fort de la visite est ce discours prononcé au Mémorial du génocide de Gisozi, qui nous aide à comprendre toute la symbolique profonde du choix de ce lieu.
Discours au cours duquel il avoue, ému : « en me tenant, avec humilité et respect, à vos cotés, ce jour, je viens reconnaitre nos responsabilités » et Macron d’implorer le pardon en disant que « seuls ceux qui ont traversé la nuit peuvent, peut-être, pardonner, nous faire le don de nous pardonner ».

Et lors de la conférence de presse, Kagame dit : « les paroles du Président Macron ont une valeur supérieure aux excuses ». Encore un symbole. Et au passage, il salue le courage et la prise de risque par Macron.

La visite de Macron apparait comme la normalisation des relations entre la France et Rwanda mais aussi et surtout, met en exergue la relation nouée entre deux hommes d’Etat.

Cette visite est historique à plus d’un titre. Elle caractérise le tournant symbolique qui permet d’affirmer la réconciliation entre nos deux pays et envisager l’avenir ensemble.