Le premier, c’était au Burundi, en 1993. La population, majoritairement hutue, avait alors voté, massivement, pour un candidat hutu, Melchior Ndadaye, et poussé à la retraite celui que tous donnaient gagnant, le major Pierre Buyoya. Il avait initié une politique d’ouverture et s’inclina, en apparence du moins, devant un échec qu’il n’avait guère prévu. C’est que la population, convoquée à ses meetings, avait chanté et dansé, ne laissant rien paraître de ses sentiments profonds. Quelques mois plus tard, Ndadaye devait périr assassiné, mais ceci est une autre histoire.
En 1994, la population sud-africaine avait été convoquée aux premières élections démocratiques de son histoire. Dans le Natal, chacun pariait sur la victoire du chef Buthelezi et sur les affrontements qui risquaient de se produire entre ses milices et les militants de l’ANC. Alors que de longues files silencieuses descendaient les collines pour se rendre vers les centres de vote, c’est en vain que nous avions essayé d’arracher quelques mots aux électeurs, aussi graves que s’ils se rendaient à l’office du dimanche. Une seule réponse était murmurée : « My vote is my secret ». Nul n’entendait communiquer ses intentions. Bien avant la fin du scrutin, l’évidence allait s’imposer : Nelson Mandela, dans le Natal comme ailleurs dans le pays, allait l’emporter haut la main et devenir le premier président élu d’Afrique du Sud.
Au Congo dimanche dernier, la retenue des électeurs de Kinshasa était tout aussi éloquente : pas un mot sur l’identité du candidat choisi mais la plupart des votants répétaient comme un mantra : « Le changement, nous avons choisi le changement… ». Sous nos yeux, une secousse sismique secouait le Congo et déjouait toutes les prévisions.
Huit jours plus tard, l’ampleur de l’onde de choc n’a toujours pas été révélée officiellement, mais, dans le silence de son cœur et de ses espoirs prudents, chacun sait déjà. Ce n’est pas pour rien que les avertissements se multiplient : la vérité des urnes ne peut être volée, marchandée ou trafiquée, sous peine de déclencher, dans ce pays encore aussi fragile qu’une porcelaine à peine recollée, une catastrophe aux conséquences imprévisibles. Le président Mobutu s’était bien gardé d’organiser des élections démocratiques, mais il avait le sens des proverbes et il disait : « Qu’un fruit soit mûr ou pas mûr, lorsque se lève le vent de l’histoire, il tombe… »
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