De l’Affaire Benalla et de la déliquescence du modele occidental

Redigé par André Twahirwa
Le 5 août 2018 à 05:00

Avec l’éclatement de l’affaire Benalla, moins d’une semaine après sa victoire au Mundial de Russie, la France n’est plus la terre bénie des champions du monde : elle est le pays dans lequel une banale affaire de droit commun devient une affaire d’été, pour les médias, puis une affaire d’État, pour les partis d’opposition. Une parfaite illustration de la déliquescence du modèle politico-médiatique partout en Occident et dans le pays de Voltaire et de Rousseau, en particulier.

Bref rappel de l’affaire : le 19 juillet dernier, le Monde, le “quotidien de référence”, rend publique une vidéo sur laquelle l’on peut voir Alexandre Benalla, un chargé de mission de 25 ans à l’Élysée, en train de violenter deux manifestants, Place de la Contrescarpe à Paris le 1 mai 2018, tout en portant des signes (casque, brassard, radio) l’identifiant comme policier- ce qu’il n’est pas. On connaît la suite.
Impossible d’attendre que les enquêtes judiciaires et policières, déclenchées dans la foulée, fassent la lumière sur le dossier.

Loin de là ! L’on ne parle plus que de l’Affaire et chaque jour apporte son lot de révélations aussi abracadabrantes les unes que les autres : la presse, “sérieuse”, n’hésite pas à reprendre les rumeurs et autres fake news qui pullulent sur les réseaux sociaux sans prendre le temps de faire des recoupements. Les oppositions de tous bords se sont trouvé un terrain de jeu commun. L’on pouvait s’attendre, tout au plus, à la création d‘une simple mission d’information. Mais le débat, en cours, sur la réforme constitutionnelle est reporté à la rentrée de septembre et deux enquêtes parlementaires (une au Sénat, une autre à l’Assemblée nationale) sont ouvertes.

Et le feuilleton politicien ne s’arrête pas là : s’étant certainement rendues compte que les auditions ne pouvaient aboutir qu’à la reconnaissance d’une banale affaire de droit commun, les oppositions ont décidé de boycotter l’enquête de l’Assemblée nationale et ont lancé, non pas une, mais deux motions de censure : une de “gauche” et une de “droite” ! Sans majorité pour les voter. Mais il faut montrer ses muscles et proclamer, urbi et orbi, que la Gauche et la Droite, ça existe toujours au pays de Descartes.

Pourquoi tant de précipitation et tant d’excès ? Cette déferlante médiatico-politique est révélatrice de la déliquescence que connaît la démocratie occidentale. Une crise qui vient de loin, une crise programmée. En effet, le modèle portait en elle les germes de son mal-être actuel : l’opposition frontale “gauche”/ “droite” érigée en dogme et le fonctionnement pyramidal peu inclusif.

Il fallait révolutionner le système et la victoire d’Emmanuel Macron, “et de gauche et de droite”, a été vécue comme un hold-up par les tenants de “l’ancien monde”, qui ne rêvent que de revanche. Enfin la crise politique a entraîné, dans une sorte de réaction en chaîne, celle des corps intermédiaires : la presse comme les syndicats fonctionnent sur le même mode que les partis politiques.
Lire aussi : Déliquescence programmée de la démocratie représentative : le cas français
http://fr.igihe.com/politique/deliquescence-programmee-de-la-democratie.html

Mais le plus jeune Président que la France ait connu n’arrête pas de dérouler son programme de campagne. Sans reculade : grèves et manifestations n’y changent rien. Incapables d’exister grâce à des propositions alternatives crédibles, avec l’affaire Benalla, les oppositions _ ce qui reste de la Gauche et ce qui reste de la Droite sans oublier l’Extrême-droite _ croient tenir enfin de quoi ébranler la Macronie et espérer prendre leur revanche au prochain match. Et elles se remettent à jouer à l’opposition systématique et (donc) stérile.

De même, les médias classiques, qui ne sont guère en odeur de sainteté en Macronie, se délectent des difficultés du nouveau régime. Et cela d’autant plus que, en plein mois de juillet, l’affaire est du pain béni. La belle victoire des Bleus, quatre jours avant, n’est plus d’actualité. Pour vendre l’information et donc de la publicité, rien de tel qu’un scandale. Surtout quand on peut faire remonter l’affaire au sommet de l’État.

L’information est, en effet, devenue une marchandise comme les autres surtout pour la presse privée soumise aux exigences de résultats. La course au scoop, notamment pour les chaînes d’information continue, prime sur la recherche de la vérité.
Lire aussi : La liberté de presse : Mythe et réalité
http://fr.igihe.com/politique/la-liberte-de-presse-mythe-et-realite.html

La crise du modèle frappe tout l’Occident : le Brexit, menée dans les conditions confuses que l’on connaît, l’élection surprise de Trump, la montée en flèche de l’Extrême-droite dans nombre de pays de l’Union européenne à l’Est comme à l’ouest, en Pologne ou en Hongrie comme en Italie et (même) en Allemagne, la crise catalane en Espagne, autant de signes patents que la déliquescence du modèle “libéral” s’opère sous nos yeux. Et qu’une recomposition s’impose. Une recomposition qui tienne compte des réalités de la mondialisation, d’un monde devenu multipolaire.

En effet, pendant que les oppositions jouent à l’opposition comme des gamins à la marelle, pendant que Donald Trump, en matamore, joue à faire faire au monde entier, ailleurs le monde continue à tourner. Et pas seulement en Chine ou en Inde mais aussi dans une Afrique qui s’éveille et renaît de ses cendres.

Le pire dans tout ça, c’est le déni : les acteurs sont loin d’être conscients du mal dont leurs pays sont frappés. L’Occident continue à chercher à imposer son vieux modèle en fin de cycle au reste monde. Exactement comme il cherche à déverser ses vieilleries (voitures, ordinateurs et autres friperies…) sur l’Afrique.

Et pour revenir à notre affaire, ce n’est pas la Macronie mais la France qui est perdante : elle vient de dilapider tout le capital “confiance” acquis, en mouillant à fond leurs maillots, par les Bleus.

L’auteur de cet article André TWAHIRWA est un Africaniste et élu local en Île-de-France


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