Photo de garde : François Hollande lors du défilé de la fête nationale, le 14 juillet 2015, place de la Concorde à Paris. PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS
Le contexte diplomatique eût pu être désastreux, il s’est révélé en réalité particulièrement porteur. Fort de deux accords majeurs conclus, en moins de quarante-huit heures, sur le maintien de la Grèce dans la zone euro et le nucléaire iranien, François Hollande a pu pousser à des hauteurs inespérées, mardi sur TF1 et France 2 lors de ses quarante-cinq minutes d’intervention télévisée à l’occasion du 14-Juillet, la posture qu’il ambitionnait d’endosser depuis plusieurs semaines en vue de ce rendez-vous : celle d’un président protecteur. Une garantie minimale de stabilité dans une France guettée par la « menace » terroriste, une Europe secouée par la crise grecque et un monde plus instable que jamais. Le « père de la nation », en somme, et même de la « patrie », un terme qui apparaît ces jours-ci dans le champ lexical présidentiel. « Il y a quelque chose qui nous dépasse tous, c’est la patrie », a-t-il ainsi estimé dans une formule qui évoquait le premier ministre grec Alexis Tsipras, mais qui le concernait surtout lui-même.
Soucieux de paraître beau joueur, le chef de l’Etat n’a pas cherché à s’attribuer outre mesure les lauriers de l’accord conclu au forceps, lundi à l’aube, à Bruxelles. Même si le sous-titre était quasi explicite. « Je ne dis pas que c’est la France qui a gagné. C’est l’Europe qui a gagné et la France qui a joué tout son rôle », a-t-il minaudé. Il n’y a nulle humiliation, a-t-il assuré, dans les conditions drastiques imposées à la Grèce, « pays ami », par l’Union européenne et le Fonds monétaire international : « L’humiliation, c’eût été de la chasser. » Soucieux de présenter l’accord bruxellois à son avantage politique, et donc d’en gommer ce qui pourrait faire tache, M. Hollande a démenti de même toute tension sur la ligne entre France et Allemagne.
« Sans le couple franco-allemand, il n’était pas possible d’obtenir l’accord », a-t-il maintenu, ajoutant : « Quand la France et l’Allemagne sont unies, on dit que c’est un directoire. Mais quand elles ne sont pas unies, l’Europe ne peut pas avancer. » Partant de l’évidence révélée par l’affaire grecque – une Union en crise politique –, il a préconisé d’« avancer sur le gouvernement économique » de la zone euro, évoquant un « document » en préparation sur ce point avec l’Allemagne ; de mettre en place « un budget de la zone euro » et même d’installer un « parlement de la zone euro », sans préciser davantage sa pensée. François Hollande s’est même hissé, sans complexe aucun, à la hauteur de Barack Obama, feignant de répliquer au président des Etats-Unis, qui l’interroge fréquemment sur la santé de la zone euro : « Comment va la zone dollar ? »
Realpolitik moyen-orientale
Un président jouissant d’une indéniable hauteur de vue : c’est donc le rôle qu’entendait s’attribuer ce mardi le chef de l’Etat, qui a en cela été servi par la conclusion de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, quelques heures plus tôt. « Ça faisait douze ans qu’il y avait des négociations, là il y a un aboutissement », s’est-il félicité. Non sans chercher à capitaliser, de bonne guerre, sur la spécificité de la position française : « La France a été très ferme dans cette négociation », a-t-il insisté, rappelant la position dure de son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, plus faucon sur ce dossier que son homologue américain John Kerry. Mais il a également assumé une forme de realpolitik moyen-orientale et une relation avec tous les acteurs de la région, même antagonistes, de la superpuissance régionale chiite aux monarchies sunnites du Golfe : « La France, si elle veut assurer la paix, elle doit parler avec tous. »
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La même fermeté, à en croire le président, s’applique sur le front antiterroriste. « Rien ne sera relâché », a-t-il réitéré, résolument installé dans la fonction du bouclier. « Depuis que je suis dans la responsabilité de chef de l’Etat, j’ai renforcé sans cesse les services de renseignement. Je fais en sorte qu’ils puissent travailler en assurant notre liberté, avec des moyens supplémentaires », a insisté M. Hollande, évoquant les deux lois antiterroristes du quinquennat et celle sur le renseignement, ainsi que l’activité des services : « Toutes les semaines, nous arrêtons, nous empêchons, nous prévenons des actes terroristes. »
Le président, comme le fait de longue date son premier ministre Manuel Valls, n’hésite pas à employer un vocabulaire anxiogène : « Nous sommes devant un ennemi, nous sommes devant une menace. » Mais il tient à apporter sa nuance et sa « propre expression » sur la « guerre de civilisation » évoquée par le chef du gouvernement : « Nous sommes face à des groupes qui veulent mettre en cause toutes les civilisations » et « nier l’idée même de civilisation ». Et d’exhorter ses concitoyens à résister : « Moi je ne dois pas avoir peur, mais les Français ne doivent pas avoir peur. »
« Je dois emmener la France »
Volonté de rassurer et inflexibilité dans la lutte antiterroriste, donc, mais, dans le même mouvement, éternel souci de « rassembler », incitations répétées à « être unis face à ces volontés de séparation, de suspicion, de destruction », à ne pas « nous en prendre aux autres ». « Je dis à tous ceux qui veulent se crisper, se replier : notre identité, elle se construit », assure François Hollande, qui en appelle de nouveau à la « patrie » et invoque le général De Gaulle : « Ce que nous devons porter, c’est l’idée de la France, une certaine idée de la France. » Il s’adresse implicitement à ceux qui pourraient être ses concurrents lors de la campagne présidentielle de 2017 : « Je ne suis pas pour la France crispée, rabougrie, qui devrait se diviser, je laisse ça à d’autres. Comme président, je dois emmener la France, l’aider à garder ce qui fait son âme. »
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Rempart des Français, gardien de « l’âme » de la France : telle était l’avantageuse posture politique adoptée par François Hollande, qui a de nouveau vendu inlassablement son bilan législatif – pacte de responsabilité, loi Macron sur la compétitivité, loi Rebsamen sur le dialogue social et le travail – et tenté de démentir toute pusillanimité sur le front intérieur : « Vous en connaîtrez, j’espère, des présidents aussi audacieux que moi… » Le chef de l’Etat a eu beau jeu d’évacuer les sujets de basse politique politicienne : « Je ne vais pas ici annoncer quelque candidature que ce soit. Nous sommes à deux ans de l’échéance. Vous avez vu les sujets qui sont les miens ? La Grèce, l’Iran, la sécurité, l’emploi ? Et je serais en train ici de chercher à imposer une candidature ? (…) Si je pensais à l’élection présidentielle aujourd’hui, je serais à côté du sujet », a-t-il soutenu, contre toute évidence, l’exercice du jour dessinant évidemment, entre protection diplomatique et sécuritaire, rassemblement national et défense de la « patrie », les lignes stratégiques qui pourraient être celles de sa future campagne présidentielle.
Drapé dans cet habit régalien en diable, François Hollande n’allait bien sûr pas s’abaisser à commenter l’éventuelle candidature de Nicolas Sarkozy en 2017 : « J’ai suffisamment de sujets à traiter, celui-là n’est pas sur ma table de travail. » Chacun l’aura compris au terme de son intervention, il est très au-dessus de cela, et de ses possibles rivaux.
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