
Il laisse son pays en effervescence depuis une année, depuis le mois d’Avril 2015, quand la candidature du Président Nkurunziza pour un troisième mandat fut contestée. Il est mort aussi dans un hôpital de Belgique, un pays empêtré dans ses idées ethnisantes entre Flamands majoritaires et Wallons minoritaires depuis des siècles, lesquelles idées il a léguées à toutes ses colonies, entre autres au Burundi ! Le Burundi s’en tirera d’ailleurs difficilement.
Les Barundi ont inscrit ces idées dans leur Constitution ! Pourtant, les Bahutu, les Batuutsi et les Batwa n’ont jamais été ni des races, ni des ethnies, ni des tribus. Ils y ont même ajouté une quatrième ethnie : les Baganwa. Cependant ces différentes classifications ne représentent que des classes sociales.
Une carrière brillante interrompue par un coup d’Etat
La carrière politique du Président Bagaza a été interrompue par un coup d’Etat du major Pierre Buyoya, devenu par la suite Président de la République. Ce coup d’Etat faisait suite à une brouille que le Président Bagaza avait eue avec les confessions religieuses. Celles-ci ont montré à cette occasion l’importance qu’elles jouent dans la vie des Nations dans nos régions. Un autre Président, Mobutu, avait aussi essayé de les bousculer et avait également essuyé un échec. Mais comme celui-ci était beau joueur et qu’il ne se sentait pas vraiment engagé politiquement vis-à-vis de son pays comme le Président Bagaza l’était pour son pays, il a su esquiver les coups et tout est entré dans le train-train quotidien des jours ordinaires. Il s’est calmé et a continué à piller son pays tranquillement.
On disait que le Président Bagaza était timide. Je n’ai pas pu le vérifier et je ne le pouvais d’ailleurs pas. Mais on sait aussi que quand un timide prend une décision (il le fait rarement), il la change aussi difficilement. C’est probablement ce qui lui est arrivé. Il a été déboulonné par ceux qui étaient plus forts que lui. Il avait pourtant rendu beaucoup de services à son pays.
En effet, le Président Bagaza a rempli dignement sa carrière politique. Comme nous allons le décrire brièvement dans les lignes qui suivent, il a rempli sa mission comme chef de l’Etat avec honneur. Il n’a pas d’égal dans son pays jusque-là. Le Prince Louis Rwagasore aurait pu peut-être faire comme lui ou le dépasser. Mais il est malheureusement parti trop tôt sans avoir pu montrer sa vraie valeur !
Le Président Bagaza a eu 11 ans de pouvoir qu’il a exercé pleinement et dans tous les domaines de la vie de la Nation : développement économique, infrastructures socio-économiques, défense du territoire, administration du territoire soucieuse des habitants du pays, etc. etc. C’est d’ailleurs au cours de sa seule administration que le Burundi a connu une paix durable depuis son indépendance !
Le Développement économique
Toutes les actions du Président Bagaza peuvent se fonder sur cette phrase lapidaire qu’il répétait régulièrement : gukura amaboko mu mpuzu = travailler et travailler plus encore. Ce fut le leitmotiv de toutes ses actions. Il s’est exprimé dans toutes les directions : sur le plan alimentaire, dans l’organisation des sociétés régionales de développement, dans la lutte pour la consommation des produits locaux en obligeant les organismes internationaux d’acheter des excédents de la production agricole locale au lieu d’importer ces produits de l’extérieur, etc. Nous allons ici donner des exemples de ces actions.
Le plan alimentaire était son cheval de bataille. Quand il a pris le pouvoir, toute la pomme de terre consommée au Burundi était importée du Rwanda, plus exactement de Ruhengeri. En quelques années, il avait fait du Burundi un pays autosuffisant en cette denrée. Il a commencé par créer une ferme semencière de la pomme de terre à Kajondi, dans le sud, sur le plateau de Bururi. Depuis là, il a répandu la pomme de terre dans les régions du Mugamba et du Bututsi, propices au développement de la pomme de terre. Il a ainsi extirpé la sous alimentation de ces régions où elle y était devenue endémique.
Il a fait aussi aménager les marais de Ngozi, Muyinga, Karuzi et Gitega, jusque-là laissés à l’abandon, pour y développer la culture du riz. En quelques années, le Burundi, importateur net du riz consommé dans le pays, était devenu un exportateur de cette denrée. Il en a profité pour contraindre le PAM (Programme Alimentaire Mondial) à acheter le riz non consommé par la population au lieu d’importer les produits alimentaires qu’il distribuait dans le pays. Cette idée a d’ailleurs pris souche. Le PAM est aujourd’hui soucieux de la production agricole nationale des pays. Il n’est plus ce qu’il était au début, c’est-à-dire un distributeur des excédents céréaliers américains.
La deuxième action de développement économique s’est exprimée dans la mise en place des sociétés régionales de développement. Il a créé à travers tout le pays, ce qu’il a appelé les Sociétés Régionales de Développement (SRD) : SRD Imbo, SRD Buyenzi (Ngozi), SRD Kirundo, SRD Muyinga, SRD Kirimiro (Gitega), SRD Buyogoma (Ruyigi), SRD Moso (Rutana), SRD Buragane (Makamba), SRD Rumonge, et j’en passe. Elles avaient mis en place des structures de fonctionnement qui paraissaient solides. Et cela en 11ans !
En plus, dans ces SRD, le développement des cultures vivrières était accompagné par une culture commerciale, soit pour la consommation nationale ou citadine ou encore pour l’exportation comme le café. Ces sociétés ont joué beaucoup dans l’encadrement de la production agricole et ont eu des résultats tangibles. Il est né par exemple une banque de financement au Burundi dont le fonds résultait des montants récoltés grâce au café vendu sur le marché international qu’il avait faits rapatrier. Chose rare en Afrique à cette époque ! Que reste-t-il de tout cela ?
Il y a eu d’autres actions non aussi moins spectaculaires mais qui ont eu des effets positifs sur leurs bénéficiaires et qui ont couvert tout le pays. On peut penser ici à la mutuelle de santé qui fonctionnait déjà au début des années 1980. Le Rwanda a d’ailleurs profité de cette expertise pour implanter la sienne chez lui au cours des années 2000 !
Quoi qu’il en soit, par toutes ces actions, il a prouvé au monde que la compacité géographique de la population n’est pas un facteur de misère, mais un facteur de progrès.
En effet, le Burundi est un des pays de l’Afrique le plus densément peuplé, juste derrière le Rwanda. Il s’est appuyé sur cette forte densité pour mener son action. Cela signifie qu’il suffit que le leadership du pays sache faire un bon usage de cette population présente pour réussir et ainsi rejeter des faux arguments qui ne tiennent pas. C’est ce qu’il a fait. Il a ainsi montré que les idées répandues chez nous par l’Occident pour ses propres intérêts ne sont valables que suivant les prémisses qui les accompagnent. On peut encore citer quelques autres actions marquantes qu’il a réalisées.
Les Infrastructures socio-économiques.
Elles comprennent toutes les constructions : routes, bâtiments civils, habitat, etc. En matière de routes, les raccordements entre toutes les provinces ont été réalisés par une route bitumée, sauf les routes Gitega-Muyinga et Gitega-Ngozi. Même les provinces de Kayanza et Cibitoke ont été directement reliées par une route bitumée en traversant la Kibira (une forêt naturelle), et à travers la crête Mugamba-Bututsi ou Mugamba-Bufundu pour rappeler un peu le nom de la colonisation, quand le Rwanda et le Burundi n’étaient qu’un pays.
Malgré les difficultés qui s’y opposaient, la route de Kayanza est parvenue dans la plaine de la Rusizi en passant directement par cette forêt. Les voies habituelles d’exportation et d’importation par les corridors Nord, Centre et Sud furent aussi bitumées ou réhabilitées. Le maillage des chefs-lieux d’administration par les routes bitumées a permis une circulation dense des biens et des personnes dans le pays et vers l’étranger.
La réforme administrative réalisée au cours de son pouvoir en passant de huit provinces à quinze a exigé la construction de beaucoup de bâtiments civils près des populations qui en avaient besoin et ont permis de rendre efficients les services demandés par ces populations. Mais c’est surtout sa volonté de chercher à recentrer l’administration du pays sur le pays qui fit sa préoccupation principale en matière d’administration en voulant déplacer la capitale de Bujumbura excentrique vers Gitega, le centre du pays. Ainsi Gitega reçut une attention particulière. Malheureusement il est parti très tôt sans avoir achevé ce qu’il voulait et apparemment le projet a été abandonné.
Mais c’est surtout en matière d’habitat qu’il fit beaucoup de réalisations dans la catégorie des infrastructures. A son arrivée, la plupart des fonctionnaires de l’Etat étaient logés dans les hôtels et d’autres maisons loués par l’Etat. Ceci prenait beaucoup d’argent de la caisse de l’Etat en faveur des entrepreneurs privés sans avoir une répercussion sur l’avenir de ces fonctionnaires.
Des quartiers entiers avec des maisons en vente location sur quinze ans sont sortis de terre. Ces quartiers furent construits surtout à Bujumbura et à Gitega qui était pressentie comme la future capitale nationale. Pour cela, les fonctionnaires burundais ont eu accès au logement propre et décent leur appartenant.
Centres de regroupement communautaire- IBIGWATI
Mais on ne peut pas oublier le système de villagisation (ibigwati), même s’il n’a pas réussi. C’est une nécessité incontournable par laquelle tôt ou tard il faudra passer pour régler le problème de fourniture d’eau et d’électricité pour la population rurale. Mais ici, les mentalités doivent encore évoluer.
La Défense du territoire.
La mise en action de la défense du territoire burundais par la Président Bagaza est quelque chose qu’on souligne peu à son actif. Ici, on peut citer deux faits qui ont marqué son action dans la matière : la construction des routes bitumées le long des frontières du pays et la construction du camp militaire de Gatumba dans le delta de la Rusizi.
Le pays est ceinturé de routes, particulièrement celles de Kayanza-Rugombo et Bujumbura-Nyanza-Lac-Rutana. Si elles ont une importance économique, elles ont surtout une importance stratégique. Le Président Bagaza savait par exemple qu’en construisant la route Kayanza-Rugombo, celle-ci permettait à ses services de sécurité de circuler facilement le long de la frontière rwandaise et la contrôler. Il en est de même des routes sur les frontières sud et ouest.
C’est encore aussi le cas de la construction du camp Gatumba dans le delta de la Rusizi. Ce camp mit fin aux velléités d’annexion de ce delta par la RD Congo. A l’époque où elle était encore le Zaïre, Mobutu, sachant que ce delta contenait du pétrole dans ses entrailles, voulut s’en emparer. Il organisa même une campagne d’intimidation du Burundi qu’il a baptisé « Kamanyola 86 ». Des manœuvres militaires furent organisées dans la vallée de la Ruzizi, et dans le lac Tanganyika. Mais le Président Bagaza tint bon et construisit un camp militaire à l’intérieur de ce delta pour sa défense. Il a obtenu gain de cause.
En fait, dans l’ensemble, on peut se poser cette question : qui a fait mieux que Bagaza au Burundi ? Il vient de mourir presque dans l’anonymat. Sa mort nous offre une occasion d’y réfléchir et de le réhabiliter ! Il laisse aussi un héritage à son pays et à nous tous : quand les autorités de son pays quitteront le ciel des idées pour la terre des hommes, elles se rappelleront que le « gukura amaboko mu mpuzu » est un des principes fondamentaux sur lesquels elles pourront construire tout, et même la démocratie.
Aujourd’hui, ce mot « démocratie » est sur toutes lèvres. Seulement, « ventre affamé n’a pas d’oreilles » ! Pour cela, la démocratie ne prendra pas tant que les gens souffrent de la misère. En fait, ce qu’on appelle « démocratie » est une construction de plusieurs niveaux dont les derniers étages sont occupés par ce qu’on appelle « la liberté d’expression », « les organisations des élections » et tant d’autres expressions ressassées qui relèvent de l’esprit.
Les étages d’en bas sont constitués de pièces plus matérielles : le droit d’avoir suffisamment à manger, le droit d’être instruit, le droit de se faire soigner, le droit à un logement décent, etc. Ce n’est pas pour donner un appui à la dictature. C’est la voie royale à suivre si on ne veut pas que cette construction ne s’écroule sur ses occupants quand elle sera habitée.
C’est d’ailleurs la voie qui a été suivie par ces pays qui nous donnent cette leçon de démocratie ! Ils ont commencé par asseoir une base minimum d’un bien-être matériel acceptable avant de se lancer dans cette aventure !
Bagaza voulait en fait poser les actions d’une gouvernance vraiment démocratique. Mais cela devait prendre le temps qu’il n’a pas eu ! Les 11 ans qu’on lui a laissés n’étaient pas suffisants pour asseoir une véritable démocratie.
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