Au terme d’un procès devenu emblématique, le sergent israélien Elor Azaria sera condamné de trois à cinq ans de prison pour homicide ce mardi 21 février après avoir achevé le jeune Palestinien Abdel Fatah Al-Sharif alors qu’il était à terre à Hébron en mars dernier. La scène, filmée par une organisation des droits de l’homme, a créé une onde de choc en Israël. Les Palestiniens dénoncent une condamnation symbolique et une politique systématique d’exécutions sommaires depuis le début de la vague de violences qui secouent Israël et les Territoires palestiniens depuis l’automne 2015.
Posté sur le toit de sa maison, Noor Abu Eisheh pointe un doigt fébrile vers le checkpoint « Gilbert », baigné par une pluie fine. C’est ici en bas de chez lui, dans le quartier de Tell el Rumeida à Hébron que les soldats israéliens ont tué deux assaillants palestiniens présumés le 24 mars dernier. Ce matin-là, l’habitant a été attiré à sa fenêtre par des coups de feu. Et ce n’est pas Abdel Fatah Al Sharif, le jeune homme abattu ensuite par le sergent israélien condamné, que Noor découvre étendu à terre, mais Ramzi al-Qasrawi : « Ramzi al-Qasrawi était sanguinolent mais ensuite le soldat lui a tout de même tiré deux balles dans la tête », affirme-t-il en montrant sur son écran de télévision le militaire en question. A la différence d’Elor Azaria, le soldat n’a pas été inquiété. Aucune vidéo n’a été prise à cet instant précis. Noor n’a jamais été entendu par un tribunal militaire. Et pour cause : l’enquête sur la mort du jeune Palestinien n’a pas aboutie. La famille quant à elle n’a pas entamé de poursuites.
« Pourquoi aller devant un tribunal israélien les mains vides ? » demande Aziz al-Qasrawi, le père de Ramzi. Le salon décoré à l’orientale est orné de portraits de Ramzi. « Il avait 21 ans, il travaillait comme menuisier et était sur le point de se fiancer. Pourquoi aurait-il planifié une attaque comme l’armée le dit ? » martèle le quinquagénaire à la fine moustache avant de poursuivre : « Et nous n’avons pas de vidéo pour prouver qu’il a été exécuté. Même si nous obtenons les images des caméras de vidéo-surveillance du checkpoint, cela ne nous ramènera pas notre fils », conclut-il. L’armée israélienne ne fournit que rarement les vidéos des assaillants palestiniens abattus malgré les demandes pressantes d’organisation de défense des droits de l’homme qui suivent ces affaires.
Un manque de transparence et une impunité totale, c’est d’ailleurs ce que dénonce Al Haq. En partenariat avec l’ONG internationale Human Rights Watch, la plus ancienne organisation palestinienne de défense des droits des Palestiniens a mené une vaste enquête sur ce que l’on nomme l’« Intifada des couteaux ». Tahseen Ellayyan, responsable de la section Enquête et documentation, a minutieusement décortiqué plus de 150 dossiers de Palestiniens tués par des soldats ou des policiers israéliens depuis l’automne 2015.
« Dans 85% des cas, il s’agit d’exécutions sommaires »
Après avoir eu accès aux procès-verbaux, interviewé des témoins oculaires et visionné les rares vidéos disponibles, il avance « en toute confiance », tient-il à préciser, que dans 85% des cas, il s’agit d’exécutions sommaires. « Selon nos recherches, les soldats visent les organes vitaux, et alors qu’ils ne sont pas en situation de légitime défense. Dans de nombreux cas, les assaillants palestiniens étaient déjà neutralisés, mais les militaires ont continué à leur tirer dessus : ce qui veut dire qu’il existe une politique du "tirer pour tuer" », certifie Tahseen Ellayyan.
Human Rights Watch dénonce un permis de tuer délivré aux soldats qui ne sont pas en situation de danger par de hauts responsables de l’armée et de la police israéliennes. Une tolérance zéro serait-elle prônée par la hiérarchie des forces de l’ordre ? L’armée israélienne s’en défend et affirme respecter le droit : « Les militaires évoluent dans une réalité complexe et font face à des attaques terroristes qui les obligent à agir comme nécessaires pour neutraliser les menaces imminentes, si bien pour leurs vies que pour celles des civils qu’ils s’efforcent de protéger », déclare le porte-parole des Forces de défense d’Israël avant de rajouter « que chaque cas suspect fait l’objet d’une enquête et que les militaires ont pour mission de préserver soigneusement les pièces à conviction ». Pourtant, les procureurs israéliens qui ont aussi enquêté de leur côté ont remarqué que les pièces à conviction étaient bien souvent contaminées par les soldats. Selon un rapport auquel le quotidien israélien Haaretz a eu accès, les magistrats ont remarqué qu’il était difficile de retracer le déroulé des faits après une attaque. Ce qui pourrait mettre en difficulté l’Etat hébreu devant une cour de justice étrangère.
97% des 150 affaires suivies de près par les organisations de défense des droits de l’homme ont été classées sans suite. Elles comptent saisir prochainement la Cour pénale internationale pour obtenir justice sur ces dossiers. Ce que l’on nomme « Intifada des couteaux » a déjà coûté la vie à près de 250 Palestiniens et 35 Israéliens.
Avec rfi.fr
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