Paul Rusesabagina : et si le héros d’ « Hôtel Rwanda” était un salaud… »

Redigé par IGIHE.com
Le 29 mars 2012 à 10:01

Durant le génocide rwandais, cet ancien directeur d’hôtel aurait sauvé 1 268 personnes. Son histoire est devenue un succès cinématographique avec le film Hôtel Rwanda. Mais des doutes planent sur son récit.
Paul Rusesabagina est héros de profession et les héros sont très demandés. Ce Rwandais donne jusqu’à trois cents conférences par an. Au Japon, en Europe, aux Etats-Unis, etc., son histoire émeut régulièrement aux larmes. L’homme raconte comment il s’est opposé « rien qu’avec des mots » aux assassins et (...)

Durant le génocide rwandais, cet ancien directeur d’hôtel aurait sauvé 1 268 personnes. Son histoire est devenue un succès cinématographique avec le film Hôtel Rwanda. Mais des doutes planent sur son récit.

 Paul Rusesabagina est héros de profession et les héros sont très demandés. Ce Rwandais donne jusqu’à trois cents conférences par an. Au Japon, en Europe, aux Etats-Unis, etc., son histoire émeut régulièrement aux larmes. L’homme raconte comment il s’est opposé « rien qu’avec des mots » aux assassins et aux milices hutus qui ont liquidé plus d’un million de personnes, essentiellement des Tutsis, en 100 jours, en 1994 ; comment il a fait de l’Hôtel des Mille Collines, l’établissement de luxe dont il était le directeur à Kigali, la capitale, un bastion d’humanité et de survie ; comment cet Oskar Schindler [industriel allemand qui a sauvé un millier de personnes de l’Holocauste] africain a pris sous sa protection 1 268 personnes, en majorité des réfugiés.

Barack Obama, Muhammad Ali, Jesse Jackson, Condoleezza Rice, entre autres, ont écouté Rusesabagina avec fascination. Le président George W. Bush lui a remis la médaille de la Liberté, la plus haute distinction civile des Etats-Unis, à la Maison-Blanche, en 2005. Notre héros a participé à l’élaboration d’Hôtel Rwanda, film du réalisateur irlando-américain Terry George sélectionné pour trois oscars. L’œuvre, dit-il, est un peu enjolivée à la sauce hollywoodienne mais elle raconte en gros son histoire comme il l’a vécue, « simplement avec beaucoup moins de violence ».

Mais aujourd’hui, près de dix-huit ans après les événements, des voix s’élèvent à nouveau pour jeter le doute sur le véritable rôle de ce héros couvert de récompenses. La Süddeutsche Zeitung a publié le 30 janvier un article d’un journaliste suédois de retour à Kigali. L’ancien directeur d’hôtel y est décrit comme un « profiteur cynique qui s’est constitué un capital grâce au génocide », comme quelqu’un qui entendait avant tout profiter de l’occasion pour gagner de l’argent, qui obligeait les réfugiés à lui donner « argent, voiture et maison ». « Comment peut-on qualifier un tel individu de héros » ? demande un des protagonistes de l’article du journal munichois.

Paul Rusesabagina, 57 ans, hutu, habite avec sa femme Tatiana, tutsie, une maison mitoyenne dans la banlieue de Bruxelles. Il possède une autre maison à San Antonio, au Texas, où le couple passe désormais la plus grande partie de son temps. Depuis deux ans, un cancer l’oblige à se ménager. Rusesabagina s’installe confortablement sur son canapé de cuir blanc ; sur la cheminée, la photo qui le montre avec George W. Bush, tous les deux rayonnants.

Sur le buffet s’empilent des exemplaires d’Un homme ordinaire [éd. Buchet-Chastel, 2007], son autobiographie. Elle a été traduite en plusieurs langues. Dans la préface, l’ancien directeur d’hôtel explique comment il a embrouillé les assassins au culot : « Quand les miliciens et l’armée sont arrivés avec l’ordre de tuer mes hôtes, je les ai invités dans mon bureau, les ai reçus comme des amis, leur ai offert de la bière et du cognac et les ai convaincus d’oublier leur mission pour ce jour-là. Quand ils sont revenus, je leur ai encore donné à boire ». Le manège a duré soixante-dix-sept jours, raconte-t-il.

A-t-il exigé de l’argent des gens qui s’étaient réfugiés à l’Hôtel des Mille Collines en avril 1994 ? « Au début, je facturais les nuitées », déclare-t-il. Puis il a arrêté – quand les gens se sont retrouvés à court de fonds (« Il n’y avait pas de distributeurs de billets ») et quand il est devenu évident que les Mille Collines n’était plus un hôtel de luxe de 113 chambres, mais un camp de réfugiés. « Ma suite comportait deux pièces et il y avait 40 personnes qui vivaient là ».

Victor Munyarugerero, 62 ans, vit près de Toronto, au Canada. Il aidait les réfugiés à l’hôtel en 1994. Munyarugerero accuse le héros de lui avoir extorqué l’équivalent de 21 000 euros pour que 220 réfugiés Tutsis puissent trouver refuge dans l’établissement. « C’est bien possible », reconnaît Rusesabagina. Mais en échange je me suis occupé de tous ces gens pendant deux mois et demi dans des conditions difficiles. Cela fait 20 centimes par personne et par jour, ce qui ne couvre pas les coûts ».

Et les voitures ? Les maisons ? Il se contente de rire. C’est selon lui une idée absurde. Comment aurait-on pu transférer la propriété de voitures et de maisons dans un pays en pleine folie furieuse ? Il possédait un véhicule tout-terrain qui lui a été volé vers la fin des massacres. Les violentes accusations qu’on porte contre lui n’ont rien de nouveau. « Cela a commencé quand j’ai reçu la médaille de la Liberté ». Aucun des réfugiés des Mille Collines ne lui avait fait le moindre reproche après l’évacuation de l’hôtel, en juin 1994, ni dans les années qui ont suivi – ce que confirme Terry George. Le réalisateur a rencontré nombre de survivants avant de tourner son film et aucun n’a contredit la version du directeur de l’hôtel. Les journalistes, qui se sont rendus dans le pays après le génocide, ont rapporté l’histoire des Mille Collines sans évoquer de plainte alors qu’ils avaient pu rencontrer quantité de survivants de l’hôtel.

Chaque fois qu’il doit intervenir quelque part, Rusesabagina prévient les organisateurs qu’ils doivent s’attendre à des perturbations. Quand il s’est rendu à Wassenaar, aux Pays-Bas, le 29 janvier, des associations de Rwandais et l’Ambassadrice envoyèrent des lettres de protestation. Des manifestations eurent lieu devant le bâtiment. Les manifestants accusaient notamment l’ancien hôtelier de nier le génocide – ce qui est bizarre puisque l’homme s’est rendu célèbre par ses descriptions depuis des années des horreurs du génocide.

Les élections ne sont toujours pas libres. Le président Paul Kagame a opéré dans le pays un miracle économique.

« Le film Hôtel Rwanda ne dit pas la vérité, fulmine Janvier Forongo, secrétaire général d’Ibuka.

 

 Source : Courrier international


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