RDC : comment Joseph Kabila va organiser le partage du pouvoir

Redigé par Afrikarabia
Le 20 janvier 2019 à 12:44

En coulisse, le président Kabila tente de tirer le meilleur profit de la future présidence Tshisekedi pour conserver tous les pouvoirs. Objectif : recomposer sa majorité, se mettre au vert pour se représenter en 2023… Et pour cela, Joseph Kabila compte sur l’armée congolaise pour veiller au grain.

par Christophe RIGAUD

La victoire de Félix Tshisekedi n’était sans doute pas le scénario souhaité par Joseph Kabila. Mais l’impossibilité d’imposer son candidat, Emmanuel Ramazani Shadary, et l’écart de voix important avec l’opposition l’a obligé à inventer un canevas inédit : l’élection à la présidence d’un opposant « malléable », en échange d’un contrôle total du pouvoir. « Le scénario du moindre mal » souffle un membre de la coalition pro-Kabila, le Front commun pour le Congo (FCC).

Mais pour comprendre comment Joseph Kabila compte conserver les manettes de l’Etat, il faut se tourner vers les militaires proches de l’actuel président congolais. Et après ces folles élections aux rebondissements les plus imprévisible, les langues des hauts gradés congolais commencent à se délier. Si un cercle restreint de politiques conseillent Joseph Kabila, celui-ci préfère se fier à une poignée d’officiers supérieurs qui le suivent depuis de très nombreuses années, car « pour gérer le Congo, il faut des militaires » se plaît à dire Joseph Kabila.

Tous au FCC !
En négociant la victoire de Félix Tshisekedi, le président congolais a réussi un double pari : éloigner le risque de contestation et d’embrasement qu’aurait suscité la victoire du très impopulaire Emmanuel Ramazani Shadary, et garder le pays sous contrôle en le confiant à un opposant docile qui lui sera redevable. La prochaine étape pour le Joseph Kabila sera d’organiser le pouvoir à sa main. Pour cela, il va devoir recomposer sa majorité et absorber ses deux nouveaux partenaires, Félix Tshisekedi et son tandem Vital Kamerhe. Le président compte bien les amener à signer la charte du FCC (la coalition pro-Kabila). L’objectif est d’affaiblir une UDPS déjà chamboulée pour le rapprochement avec le pouvoir, et de diluer l’UNC de Kamerhe dans un gouvernement d’union nationale dont le Premier ministre pourrait être Vital Kamerhe lui-même, en signe d’ouverture. François Muamba, l’un des artisans du rapprochement entre Kabila et Tshisekedi, est également sur les rangs pour la Primature.

Joseph dans l’ombre
L’actuel ministre de l’Intérieur, Henri Mova, pourrait se voir confier la présidence de l’Assemblée nationale. Quand à Joseph Kabila, qui deviendra jeune sénateur de droit, il devrait rester dans l’ombre et devenir le chef d’orchestre de sa future candidature pour 2023… sans faire de vague. Et notamment sans être obligé de modifier la Constitution. Joseph Kabila se fera discret. Il a nettement redoré son image en acceptant de passer la main, d’organiser les élections et de provoquer la première alternance pacifique de l’histoire du Congo. Inutile de jouer les premiers rôles, il n’en sera que plus attendu quand il reviendra sur l’échiquier politique auréolé de son nouveau statut d’ancien président. Une équipe est en train de se composer à Kinshasa pour préparer les échéances de 2023.

Nominations ? Félix n’aura pas la main

Félix Tshisekedi, président sans majorité à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans les provinces pourra-t-il s’émanciper de son mentor ? Difficile si l’on en croit des hauts gradés congolais. « Félix n’a aucun allié au sein de l’armée. Au moindre faux pas, ou si il compte passer en force, il sera déposé par la force » croit savoir cet officier supérieur. Pourra-t-il avoir la main sur les nominations au sein de l’appareil sécuritaire congolais ? Là encore, le nouveau président devra s’en remettre aux hommes de l’ancien chef d’Etat. « Toutes les nominations passent par l’Etat-major, l’Agence nationale de renseignements (ANR) et les renseignements militaires. Ils peuvent tout bloquer ». Et cerise sur le gâteau, la garde républicaine restera exclusivement aux ordres de Joseph Kabila.

Difficile contre-pouvoir

Dans ce contexte, il paraît peu probable que Félix Tshisekedi parvienne à arracher le moindre pouvoir à Joseph Kabila, qui s’est ingénié à remanier et à verrouiller l’ensemble du système judiciaire et sécuritaire, quelques mois avant les élections. Vulnérable, Félix Tshisekedi, deviendra le président de compromis politique qui reposera exclusivement sur le bon vouloir de Joseph Kabila. La seule porte de sortie de Félix Tshisekedi pour forcer le destin et gouverner malgré tout : tenter de rassembler le reste de l’opposition et notamment les partenaires déçus de Martin Fayulu. Objectif : créer un contre-pouvoir suffisamment puissant pour infléchir le camp Kabila. Un scénario impensable pour le moment, le nouveau président est trop occupé à négocier quelques ministères pour ses proches… et la bataille est rude.


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