C’est en ce lieu chargé d’histoire et de mémoire que les plus hauts dignitaires de l’épiscopat africain, venus de toutes les latitudes du continent, ont choisi de poser un acte fort : celui d’une présence prophétique, au cœur d’une région encore meurtrie par les antagonismes fratricides et les blessures non cicatrisées des peuples.

Kigali devient ainsi le théâtre d’une tentative audacieuse de dépassement des clivages mémoriels, en faveur d’un horizon commun de réconciliation, de vérité partagée et de cohabitation fraternelle.
A travers l’adoption d’une stratégie globale de paix et de justice pour l’horizon 2025-2050, les Églises africaines entendent conjuguer l’exigence évangélique avec la responsabilité historique, en redonnant à l’Afrique des Grands Lacs non seulement la promesse d’un avenir apaisé, mais la dignité d’une mémoire transfigurée.

C’est dans la capitale rwandaise que s’est ouverte, le jeudi 31 juillet 2025, la vingtième Assemblée plénière du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), une instance majeure de concertation ecclésiale sur le continent. Prévue pour s’achever le 3 août, cette rencontre triennale réunit plus de 250 prélats, cardinaux, archevêques et évêques, venus des quatre coins d’Afrique pour dessiner les lignes de force de l’engagement pastoral et sociopolitique de l’Église en terres africaines.

La tenue de cette grand-messe à Kigali ne relève nullement du hasard : elle s’inscrit dans une démarche symbolique et prophétique, au cœur d’une région encore meurtrie par les antagonismes sanglants et les fractures mémorielles.

Une présence prophétique dans une région en souffrance

Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa et président du SCEAM, a souligné avec gravité la portée spirituelle et politique de cette présence ecclésiale à Kigali : « Le sang a abondamment coulé dans cette sous-région, et il continue hélas de couler. Être ici aujourd’hui, c’est poser un acte de foi dans les promesses de la réconciliation. »

C’est donc un geste fort que pose l’Église d’Afrique : celui de ne pas se tenir à distance des conflits, mais d’investir la scène de la souffrance pour y porter, sans naïveté, la parole de vérité, de paix et de justice. Déjà, en février dernier, les Églises du Rwanda, de la RDC et du Burundi avaient publié une déclaration conjointe en faveur d’un dialogue sincère, adossé à une reconnaissance réciproque des douleurs et responsabilités.

Monseigneur Donatien N’shole, secrétaire général de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), a rappelé avec insistance : « C’est un moment fort du vivre-ensemble que nous voulons incarner. Notre rêve est celui d’une paix pérenne, au-delà des discours, qui rompe définitivement avec les logiques de cycles violents. »

Vers une vision pastorale et politique à l’horizon 2050

La rencontre de Kigali s’inscrit également dans une dynamique prospective : les délégués doivent en effet adopter une stratégie globale de l’Église africaine pour la période 2025-2050. Cette vision de long terme se veut à la fois théologique, institutionnelle et éminemment politique, dans la mesure où l’Église entend assumer davantage son rôle de médiatrice au sein des conflits qui gangrènent le continent.

Déjà en février, dans une démarche audacieuse, les représentants des Églises catholiques et protestantes de la RDC avaient été reçus à Kigali par le président Kagame, appelant à l’instauration d’un dialogue inclusif entre Kinshasa et ses voisins.

Une initiative saluée par le secrétaire général de la conférence épiscopale rwandaise, Mgr Vedaste Kayisabe : « Les prélats congolais ont accompli un pas de géant. Au Rwanda et au Burundi, nous marchons désormais dans la même direction. Il y a aujourd’hui une volonté partagée, et l’élan ne doit pas être brisé. »

Ainsi, dans une région où les plaies de l’histoire restent à vif, les Églises africaines, réunies à Kigali, s’emploient à tisser une diplomatie morale, enracinée dans la foi, mais résolument tournée vers les urgences du monde. Une Église-pont, servante de la vérité et artisan de la paix.

À Kigali, symbole de résilience, s’est ouverte la XXe Assemblée plénière du SCEAM, tournée vers la paix et le renouveau de l’Église en Afrique