Burundi : Ndayishimiye monte au front pour défendre la victoire du CNDD-FDD

Redigé par Alain Bertrand Tunezerwe
Le 16 juin 2025 à 04:55

Défendant la légitimité de la victoire du CNDD-FDD aux élections du 5 juin dernier, le président Evariste Ndayishimiye a sommé l’opposition de présenter des preuves concrètes de fraude, promettant des " sanctions " en cas d’irrégularités avérées.

« Je suis choqué que certains leaders politiques préfèrent attendre les caméras et les micros pour parler des fraudes, au lieu d’agir immédiatement au moment des faits », a-t-il déclaré, dans une tentative apparente de décrédibiliser les accusations d’irrégularités.

Le président a appelé les partis d’opposition à documenter, commune par commune et bureau par bureau, les fraudes présumées, et à saisir les juridictions compétentes, y compris la Cour constitutionnelle. Pourtant, nombreux sont ceux qui doutent de l’indépendance de ces institutions, souvent perçues comme inféodées au pouvoir en place.

Malgré son engagement direct dans la campagne du CNDD-FDD, Ndayishimiye cherche aujourd’hui à se poser en garant de la transparence électorale, évoquant même la possibilité d’annuler le scrutin dans certaines circonscriptions en cas de preuve de fraude massive.

« Les membres de la CENI impliqués dans des irrégularités seront sanctionnés », a-t-il lancé.

Cela dit, cette posture présidentielle soulève de sérieuses interrogations sur le plan juridique. De nombreux analystes rappellent que le chef de l’État ne dispose ni du pouvoir de sanctionner la CENI, ni de celui d’ordonner une reprise partielle des élections, des prérogatives relevant exclusivement de la Cour constitutionnelle.

« En se posant en garant du processus électoral, alors qu’il n’est ni candidat ni organe électoral, Ndayishimiye outrepasse son rôle. Il agit en juge et partie », commente un journaliste burundais sous couvert d’anonymat.

Par ailleurs, les critiques se multiplient, y compris au sein des milieux religieux. La Conférence des évêques catholiques du Burundi, qui avait déployé des observateurs dans plus de 2 400 bureaux de vote, a publié un rapport sans appel, pointant de graves irrégularités : bourrages d’urnes, votes multiples, présence de personnes non autorisées, ou encore vote anticipé.

Ces constats sont partagés par plusieurs formations politiques, dont l’UPRONA, le CDP, la coalition Burundi Bwa Bose, ainsi qu’un candidat indépendant, qui remettent ouvertement en cause la régularité et la transparence du scrutin.

Face à la vague de dénonciations, le président Ndayishimiye s’est dit étonné de la réaction tardive des contestataires :

« Pourquoi ne pas avoir réagi sur-le-champ ? », a-t-il interrogé, visiblement irrité.

Mais selon plusieurs observateurs, c’est bien la prise de position ferme de la Conférence des évêques catholiques, par son communiqué très critique, qui aurait contraint le pouvoir à adopter un ton plus conciliant, du moins en apparence.

Tout en rejetant les accusations de dérive autoritaire, Ndayishimiye a tenté de minimiser les inquiétudes :

« Même avant ces élections, notre parti détenait déjà la majorité au Parlement. Ce qui importe, c’est la bonne gouvernance, la transparence et le respect des droits humains. »

Il a également soutenu que le vote massif en faveur du CNDD-FDD reflétait la volonté du peuple, assurant qu’aucune contestation ne pouvait s’opposer à cette dynamique populaire.

Pourtant, l’opposition ne décolère pas et continue de dénoncer un véritable hold-up électoral. Les résultats provisoires de la CENI attribuent la totalité des sièges à l’Assemblée nationale au CNDD-FDD — une première depuis l’instauration du multipartisme au Burundi, qui conforte plus que jamais la mainmise du parti au pouvoir.

Le président a affirmé avoir confiance en la justice burundaise, qui, selon lui, est toujours capable de rendre des décisions impartiales :

« Le Burundi compte encore des hommes intègres capables de faire prévaloir la justice. »

Cependant, pour une part de l’opinion publique, ces propos apparaissent davantage comme une stratégie politique qu’une réelle volonté de réforme. Les appels à la transparence sont perçus comme un artifice destiné à désamorcer la contestation, alors que tous les leviers institutionnels semblent désormais verrouillés par le parti au pouvoir.

Le président Évariste Ndayishimiye a défendu la victoire du CNDD-FDD aux élections du 5 juin, en exigeant de l’opposition des preuves de fraude

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