Ce jeudi, l’Assemblée nationale a officiellement levé le voile de l’immunité ministérielle, livrant à la justice celui qui, hier encore, prétendait en être le restaurateur. Le rapport de la Commission spéciale, saisi du réquisitoire émanant du procureur général près la Cour de cassation, a été jugé recevable par la plénière, qui a ordonné l’ouverture d’une instruction judiciaire à l’encontre de ce membre éminent du gouvernement.
Les faits avancés par le procureur Firmin Mvonde ne relèvent pas du banal dysfonctionnement administratif, mais s’apparentent à une tentative délibérée de soumettre la chaîne de régulation des marchés publics à une volonté prédatrice. Il est reproché à M. Mutamba d’avoir exercé de « fortes pressions » sur la directrice générale adjointe de la Direction Générale du Contrôle des Marchés Publics (DGCMP), dans le but d’obtenir l’aval d’un marché public attribué à une entité juridiquement inexistante avant 2024, une coquille vide, sortie des limbes pour capter, sans base légale, la manne publique.
Pire encore, le ministre aurait ordonné, en contournant les procédures usuelles et sans l’aval de la Première ministre Judith Suminwa, le décaissement de la somme vertigineuse de 39 millions de dollars américains. Un geste administratif d’une témérité rare, révélateur soit d’une conception hégémonique de la fonction ministérielle, soit d’une compromission consciente avec des intérêts privés obscurs.
Acculé, le garde des Sceaux a choisi la ligne de défense classique : celle de la victimisation et du complot. Il nie en bloc les allégations, prétend que le procureur Mvonde chercherait à le neutraliser par vengeance, en représailles à sa croisade contre les turpitudes présumées au sein de la magistrature suprême. Il se campe en martyr d’un ordre qu’il voulait réformer, en brave résistant face aux conservatismes enracinés.
Mais ce récit, s’il peut séduire les naïfs ou les complaisants, peine à convaincre. Car ce que révèle cette affaire n’est pas tant l’acharnement d’une justice instrumentalisée, mais l’aveu implicite d’un système où la morale publique est constamment travestie par ceux-là mêmes qui la revendiquent.
Mutamba n’est pas tant le héros trahi de sa cause que l’emblème éclatant d’un paradoxe congolais : celui où le justicier autoproclamé finit par incarner les travers qu’il dénonçait. Le boomerang du discours moral revient avec fracas frapper celui qui l’a lancé sans introspection, croyant pouvoir brandir la rigueur éthique sans être lui-même irréprochable.
Dans ce théâtre politique d’inversion symbolique, où l’ascèse judiciaire se mue en turpitude administrative, la République assiste, médusée, à la chute d’un prétendant au redressement, désormais réduit à défendre sa propre probité. Plus qu’un simple scandale, cette affaire révèle la fragilité structurelle de l’État congolais, où les institutions restent vulnérables aux coups de force, qu’ils soient politiques ou financiers, et où l’architecture même de la justice vacille sous le poids des ambitions contradictoires de ceux qui en détiennent la clef.
L’histoire jugera, certes, mais elle retiendra que dans cette séquence dramatique, le masque du réformateur s’est fissuré, laissant apparaître le visage commun d’un pouvoir toujours prompt à confondre mandat et privilège, responsabilité et impunité.

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