Selon Clausewitz, « la guerre n’est rien d’autre qu’une continuation de la politique par d’autres moyens » (Clausewitz, Vom Kriege, 1832), mais les mutations technologiques, l’intégration du renseignement en temps réel et la mobilité des forces exigent aujourd’hui des adaptations que nombre de cadres congolais peinent à incorporer.
Les généraux, souvent formés dans un paradigme du XXᵉ siècle, se retrouvent dépassés par la complexité des opérations modernes, où la victoire repose autant sur la coordination et la flexibilité que sur la masse des unités déployées.
Cette inadéquation stratégique s’accompagne d’une fragilisation institutionnelle du commandement. La gestion centralisée et politisée des acquisitions et de la logistique militaire, confiée à des cercles de proximité plutôt qu’à des experts qualifiés, engendre inefficacité, surcoûts et matériel inadapté.
Les études sur la gouvernance militaire montrent que « l’externalisation des fonctions stratégiques à des acteurs non spécialisés conduit inévitablement à une perte d’efficacité opérationnelle ».
Les revers successifs depuis Bunagana jusqu’à Uvira illustrent pleinement ce phénomène, révélant une armée dotée de moyens mais incapable de les mobiliser efficacement.
Par ailleurs, l’histoire récente de la RDC rappelle que les faiblesses structurelles des forces armées ont souvent été exploitées par des mouvements rebelles, de l’AFDL à l’ADF, en passant par les mutineries locales dans les années 1990 et 2000.
La répétition de ces échecs souligne l’urgence d’une modernisation doctrinale, doublée d’une réorganisation logistique et stratégique rigoureuse.
Crédibilité étatique et dissonance institutionnelle
Les insuffisances opérationnelles des forces armées ont des répercussions directes sur la crédibilité du pouvoir central, tant sur le plan national qu’international. Weber rappelle que « la légitimité de l’autorité repose sur la croyance des gouvernés en la compétence et la cohérence de l’État ».
Or, la cacophonie institutionnelle, oscillation entre annonces martiales et dépendance à l’assistance étrangère, revirements diplomatiques sur le mandat de la Monusco, poursuites judiciaires contre des militaires accusés d’abandon de poste, fragilise cette légitimité et érode la confiance des citoyens et partenaires internationaux.
Cette situation s’inscrit dans un cadre plus large : l’incapacité à projeter une stratégie cohérente affaiblit la souveraineté réelle du pays. Comme l’observe Kaplan, « un État incapable de sécuriser son territoire et de projeter une autorité stable devient vulnérable aux pressions externes et perd sa capacité de négociation ».
L’excès de déclarations martiales, le recours permanent à des médiations étrangères et l’épuisement progressif des alliés traduisent non seulement une fragilité militaire, mais également une érosion de la stature diplomatique de la RDC.
Historiquement, la RDC a connu des moments analogues : de la gestion de la MONUC dans les années 2000 aux opérations dans l’Ituri, le décalage entre parole politique et réalité opérationnelle a souvent conduit à des crises de légitimité et à une perte de contrôle sur les régions périphériques. Les enseignements de ces expériences appellent à une réforme profonde : clarification de la chaîne de commandement, rationalisation des acquisitions, intégration des experts et harmonisation de la communication institutionnelle.
La crise actuelle dans l’Est de la RDC dépasse la simple question des revers militaires : elle révèle une crise structurelle et doctrinale, doublée d’une dissonance institutionnelle qui fragilise la légitimité de l’État.
La restauration de la crédibilité nationale et internationale exige une action concertée : modernisation des doctrines de combat, réorganisation logistique et stratégique, formation rigoureuse des cadres, et cohérence de la parole d’État.
Sans ces mesures, le pays restera prisonnier d’une cacophonie institutionnelle et d’une dépendance chronique aux médiations et aux soutiens étrangers, compromettant durablement sa souveraineté et sa stabilité.














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