Tshisekedi et l’institutionnalisation du discours de haine

Redigé par Tite Gatabazi
Le 24 décembre 2025 à 02:16

Il est une vérité dérangeante, mais dont la mise à nu s’impose avec une urgence impérieuse : le discours de haine, loin d’être une simple dérive marginale confinée aux franges extrémistes de l’espace public congolais, tend, sous le magistère actuel, à se voir banalisé, légitimé et, plus grave encore, partiellement institutionnalisé.

Lorsque des acteurs publics occupant les plus hautes fonctions d’État, Première Ministre, ministres, porte-parole gouvernementaux, communicants attitrés félicitent, honorent ou promeuvent des influenceurs dont la rhétorique repose sur la stigmatisation d’une communauté désignée, l’exclusion de ladite communauté et sa réduction une catégorie infamante, ce ne sont pas de simples maladresses : c’est une véritable orientation éthique et politique qui se révèle.

A travers ces gestes publics de reconnaissance, ce n’est pas seulement une indulgence coupable qui s’exprime ; c’est une caution explicite, une validation symbolique qui confère à des paroles délétères une respectabilité factice. Les propos qui essentialisent une communauté, les déclarant étrangères à la nation, suspectes par nature, ou assimilables à une menace diffuse, deviennent alors, par un dangereux glissement, des expressions supposées de patriotisme.

Ainsi se brouille la frontière entre l’amour légitime de la patrie et la désignation d’ennemis intérieurs, entre le civisme et l’hostilité ethnique.

Cette dynamique, une fois enclenchée, opère en profondeur : elle installe dans les mentalités l’idée que la nation se construit moins par l’inclusion que par la désignation d’exclus, moins par la justice que par la suspicion, moins par le droit que par la clameur.

L’autorité politique, au lieu d’assumer la haute responsabilité de protéger chaque citoyen dans sa dignité inaliénable, tolère, voire nourrit la logique de l’anathème, en se dérobant à l’obligation de dénoncer sans détour ces dérives.

La responsabilité morale, politique et historique n’en est que plus lourde : car le pouvoir qui laisse croître la haine dans le discours public en devient nécessairement comptable.

La cohérence impossible : entre rhétorique de paix et pratique de division

Comment, dès lors, ne pas relever l’antagonisme béant entre les proclamations solennelles portées sur toutes les tribunes internationales, celles de la paix, de la sécurité, du vivre-ensemble et de l’épanouissement du peuple congolais et la réalité interne d’un langage politique où prospèrent stigmatisation, essentialisation et exclusion ?

Cette contradiction n’est pas seulement d’ordre rhétorique ; elle mine la crédibilité de l’État, affecte le tissu social et fait peser sur l’avenir national une hypothèque redoutable.

Un pouvoir qui, d’une main, invoque la réconciliation et la cohésion, et de l’autre, honore ou promeut des agents de division, se heurte inévitablement au soupçon d’instrumentalisation.

La haine, ici, n’apparaît plus comme un accident regrettable ; elle semble devenir un levier politique, un ferment mobilisateur, un outil stratégique destiné à souder par l’hostilité plutôt que par l’adhésion éclairée. Cette logique est d’autant plus pernicieuse qu’elle se drape dans le langage du patriotisme, transformant l’exclusion de certains compatriotes en preuve supposée de loyauté nationale.

Or, dans un État de droit digne de ce nom, nul citoyen ne devrait être retranché de la communauté politique en raison de son origine, de son appartenance culturelle ou de son identité perçue. Les comportements et paroles qui incitent à la discrimination ou qui attisent des pulsions d’élimination devraient relever, non de l’hommage public, mais du contrôle strict de la loi et de la sanction judiciaire.

Leur promotion publique ne constitue pas seulement une faute politique ; elle constitue une atteinte directe à la dignité humaine et aux fondements mêmes de la République.

La République démocratique du Congo se trouve ainsi placée à la croisée des chemins : persévérer dans la rhétorique double, où l’on chante la paix tout en tolérant la division, ou bien entreprendre résolument une réorientation morale et civique.

Cette réorientation suppose des dirigeants capables d’assumer la grandeur d’un langage inclusif, de condamner explicitement les dérives haineuses et de promouvoir des discours publics fondés sur le respect des droits fondamentaux de tous les concitoyens, sans distinction.

La situation actuelle met en lumière un paradoxe douloureux : la paix est proclamée, tandis que la division est pratiquée. Tant que cette contradiction perdurera, la cohérence entre aspirations affichées et actions réelles demeurera le défi majeur du temps présent.

Il appartient au pouvoir politique de rompre ce cercle vicieux : non pas en multipliant des proclamations incantatoires, mais en désavouant clairement les discours de haine, en protégeant les minorités et en réaffirmant, par des actes, que la nation congolaise se construit sur l’égalité de dignité et l’unité, non sur la stigmatisation et l’exclusion.

Quand des hauts responsables d’État félicitent ou promeuvent des influenceurs qui stigmatisent et excluent une communauté, ce n’est pas une maladresse : c’est un choix éthique et politique clair

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