Des sanctions aux mépris du droit international

Redigé par Tite Gatabazi
Le 26 février 2025 à 03:25

L’application du droit international se trouve aujourd’hui confrontée à une dissonance flagrante entre les principes fondamentaux qui le régissent et les pratiques arbitraires qui en découlent.

Un paradoxe juridique se dessine, où les États qui revendiquent la légitimité des sanctions en sont paradoxalement les principaux violateurs, et où l’impunité devient la récompense ultime des entorses répétées à l’ordre juridique international.

Le cas de la République Démocratique du Congo (RDC) illustre de manière probante cette inversion des valeurs et cette instrumentalisation du droit à des fins politiques. Le président Félix Tshisekedi, en refusant ostensiblement d’adopter une approche inclusive de résolution des crises récurrentes qui secouent son pays, viole non seulement les engagements pris dans le cadre du processus de Nairobi et de Luanda, mais torpille également les mécanismes de règlement pacifique des différends consacrés par le droit international.

En évinçant de manière unilatérale les pourparlers avec le M23 après quatorze mois de discussions infructueuses à Kinshasa, il adopte une posture belliqueuse et s’emploie à biaiser les institutions internationales pour asseoir une rhétorique victimaire, exonérant ainsi son régime de toute responsabilité quant aux tensions récurrentes dans l’Est du pays.

L’exacerbation des discours de haine sous son régime, couplée à une impunité criante pour les auteurs de persécutions ciblées contre les tutsi congolais, contrevient aux obligations internationales de l’État congolais en matière de prévention du génocide et de protection des minorités.

Ce manquement flagrant à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) constitue une entorse grave au jus cogens, norme impérative du droit international.

L’adhésion de Tshisekedi aux pratiques illégales de constitution de milices paramilitaires, en légalisant de facto les groupes armés criminels sous l’appellation de "Wazalendo", atteste d’un mépris manifeste pour les principes établis par le droit international humanitaire.

En outre, le recours à des mercenaires, en violation de la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires (1989), constitue un manquement supplémentaire aux obligations étatiques en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

L’expulsion des troupes de l’East African Community (EAC), qui avaient pourtant entamé un processus de stabilisation effectif, pour faire place à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), illustre un opportunisme politique préjudiciable à la résolution durable du conflit. Une telle décision, prise au mépris des considérations stratégiques et diplomatiques, compromet davantage la cohésion régionale et renforce un climat de défiance généralisée.

L’imposition de sanctions à la demande de la République démocratique du Congo sur la seule foi du discours unilatéral porté par Kinshasa reviendrait à consacrer un détournement du droit international au service d’intérêts politiques contingents. Une telle approche, en altérant les principes d’impartialité et d’équité qui fondent l’ordre juridique international, confère à une narration partielle une légitimité fallacieuse, érigeant en vérité incontestable une lecture orientée des faits. Ce faisant, elle transforme le droit, non plus en garant de l’équilibre entre les nations, mais en un outil de coercition soumis aux logiques d’influence et de puissance.

Une telle dérive normative remet en question l’équité et l’universalité des mécanismes juridiques internationaux censés garantir la paix et la sécurité collectives.

Loin de constituer une réponse adéquate à la crise, elle renforce un cycle d’injustice et de partialité institutionnalisée, compromettant davantage la crédibilité du système international.

Le droit international ne saurait être le théâtre d’une telle distorsion. Il est impératif que les institutions compétentes rétablissent un équilibre dans l’application des principes juridiques, afin d’éviter que ne triomphe l’arbitraire et que ne s’installe un précédent dangereux, où la légitimité des sanctions s’accommode d’une négation des responsabilités véritables. La stabilité régionale et la crédibilité du droit international en dépendent.

David Lammy, ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni

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