Doha et la complexité de la paix dans l’Est de la RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 22 novembre 2025 à 02:30

Le 15 novembre 2025, la signature à Doha de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 Mars (AFC/M23) représentait un moment historique dans la quête de pacification de l’Est de la RDC.

Fruit de négociations multilatérales où le Qatar a joué un rôle de médiateur central, cet accord visait à instaurer un cadre de coopération durable pour la neutralisation des groupes armés illégaux, la sécurisation des populations, et la réorganisation politique et administrative du pays.

Cependant, si le document de Doha constituait un jalon diplomatique majeur, sa mise en œuvre effective se heurte à des obstacles structurels et politiques, dont la mauvaise foi persistante du gouvernement central de Kinshasa apparaît comme le facteur principal d’échec.

Le rôle central de l’AFC/M23 et la pédagogie populaire

Conscient de l’importance de traduire les engagements formels en actions concrètes, le Secrétaire Permanent de l’AFC/M23, Benjamin Mbonimpa, a engagé une campagne systématique de pédagogie populaire.

Après avoir éclairé les cadres du mouvement lors d’une session interne, il a réuni, le 20 novembre 2025 à Goma, journalistes nationaux et correspondants internationaux afin de clarifier les objectifs et la portée réelle de l’accord de Doha.

Accompagné des négociateurs principaux, Me Jean-Paul Shaka, Me Yannick Tshisola et M. Jean-Py Omokoko Alumba, en l’absence de Me René Abandi retenu par d’autres obligations, Benjamin Mbonimpa a rappelé avec insistance :

L’AFC/M23 est partie prenante légitime aux négociations, au même titre que le gouvernement de Kinshasa et aucun acteur ne peut contourner ou minimiser le rôle du mouvement dans la mise en œuvre de l’accord.

Il a continué en expliquant que l’accord ne se limite pas à la neutralisation militaire des groupes armés : il impose une réforme profonde de la gouvernance, de la justice et de la réconciliation nationale.

Par la formule forte en lingala, « Biso nde tokokende Kuna », le Secrétaire Permanent a signifié la détermination du mouvement à restaurer l’autorité de l’État sur tout le territoire, affirmant que la réconciliation et la reconstruction de l’État congolais passent par une démarche inclusive et transparente.

Kinshasa : mauvaise foi et entraves à l’application de l’accord

Malgré la bonne foi affichée par l’AFC/M23, le gouvernement central de Kinshasa s’est engagé dans une stratégie de dilution et de retard. Cette mauvaise foi se manifeste de plusieurs manières :Minimisation du rôle de l’AFC/M23, avec une réticence à intégrer le mouvement dans les structures de coordination de la sécurité ;bien plus, non-exécution ou retard des mesures de neutralisation et désarmement des groupes armés tels que les FDLR, les ADF et les milices locales, compromettant la sécurité des populations.

Les entraves aux réformes politiques et institutionnelles, notamment dans la gouvernance locale, la réintégration des déplacés et réfugiés, et la mise en place d’une justice impartiale.

Cette attitude de Kinshasa fragilise l’équilibre même de l’accord de Doha et démontre que, sans volonté politique réelle, les instruments diplomatiques les plus sophistiqués restent inefficaces. Les retards et la mauvaise foi du gouvernement central amplifient la méfiance au sein des communautés locales et compromettent la création d’un consensus national autour de la paix.

La pédagogie populaire comme levier stratégique

Pour contrer les effets de la mauvaise foi de Kinshasa, l’AFC/M23 a choisi de mettre en œuvre une pédagogie populaire intensive, en expliquant directement aux populations locales et aux médias :

Les objectifs concrets de l’accord de Doha ; les responsabilités partagées entre le mouvement et le gouvernement ainsi que la nécessité d’une réconciliation nationale authentique et durable.

Cette démarche vise à créer une pression sociale et politique positive, encourageant la participation des communautés et rétablissant la vérité face aux campagnes de désinformation.

Benjamin Mbonimpa a insisté sur le fait que l’accord ne sera pleinement effectif que si la population en comprend les enjeux et y adhère, soulignant que la paix est un processus autant social que militaire ou politique.

Perspectives et enjeux régionaux

La mauvaise foi de Kinshasa ne constitue pas seulement un problème interne : elle menace la stabilité de l’ensemble de la région des Grands Lacs. La non-coopération du gouvernement central retarde le désarmement des groupes armés transfrontaliers, entrave la sécurité régionale et compromet les initiatives multilatérales de médiation, notamment celles conduites par le Qatar, l’Union africaine et d’autres partenaires internationaux.

Ainsi, la stratégie de l’AFC/M23 consiste à : maintenir un dialogue structuré et transparent avec tous les partenaires internationaux ; renforcer la pédagogie populaire et médiatique pour mobiliser l’opinion publique.

Et exiger de Kinshasa la reconnaissance pleine et entière du rôle du mouvement et la mise en œuvre effective de toutes les clauses de l’accord.

Le mouvement affirme que la consolidation de la paix dépend autant de la bonne foi des acteurs étatiques que de l’adhésion populaire, et que toute tentative de blocage ou de contournement du rôle de l’AFC/M23 constitue une entrave directe au processus de paix.

L’accord de Doha demeure un instrument historique pour la pacification de l’Est de la RDC et la reconstruction politique du pays. Toutefois, la mauvaise foi persistante de Kinshasa représente l’obstacle majeur à sa mise en œuvre.

Face à cette réalité, l’AFC/M23 a choisi d’investir dans la pédagogie populaire, transformant l’éducation et la sensibilisation en un levier stratégique pour rétablir la vérité, mobiliser les populations et garantir la mise en œuvre effective de l’accord.

Dans ce cadre, Doha n’est pas un point final mais le début d’un processus exigeant de vigilance, de concertation et de participation citoyenne, capable de réconcilier le pays avec lui-même et de restaurer un État juste et fonctionnel.

Benjamin Mbonimpa, a lancé une campagne de sensibilisation populaire pour transformer les engagements en actions concrètes

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité