Car lorsque des autorités, supposées incarner la stabilité et la rationalité de l’État, s’abandonnent à des invectives aussi vindicatives, c’est le pacte républicain lui-même qui vacille sous les yeux incrédules de la nation.
En menaçant le procureur Mvonde de poursuites judiciaires, de sanctions disciplinaires, voire d’une mise à la retraite d’office, le ministre Mutamba ne se contente pas d’outrepasser les bornes de la bienséance républicaine : il foule aux pieds l’éthique de la responsabilité qui devrait, en tout temps, guider l’action publique.
Et lorsqu’il proclame qu’il ne se soumettra jamais à une quelconque convocation émanant de ce dernier, il érige l’arrogance en méthode, et l’impunité en vertu. Parvenu en un temps record aux cimes du pouvoir, Mutamba s’est manifestement enivré de sa propre ascension.
L’hybris, ce mal antique des puissants, semble l’avoir gagné, le convainquant de sa supposée invulnérabilité. Mais comme toujours, le retour du balancier guette l’excès : la mécanique du pouvoir est implacable pour ceux qui oublient que la fonction n’est jamais un privilège personnel, mais un mandat délégué.
Ce conflit, bien loin d’être une simple friction interpersonnelle, dévoile une pathologie plus inquiétante encore : celle d’un État miné de l’intérieur par des logiques de clans, de revanche et de domination. Lorsque les joutes institutionnelles deviennent publiques, et que les différends entre hauts dignitaires se soldent à grand renfort de communiqués, de menaces et de déclarations tapageuses, ce n’est pas seulement la dignité de la fonction qui s’effondre, c’est la crédibilité même des structures étatiques. La population assiste alors, médusée, à l’effritement de ce qui devait incarner la cohésion, la pondération et la continuité.
Dans un tel contexte, l’autorité perd son ancrage. Elle cesse d’être une expression ordonnée de la souveraineté populaire pour devenir un théâtre de la discorde et de l’irrationalité. La rue observe, s’impatiente, murmure, gronde car elle perçoit, dans le vacarme des querelles de palais, un appel à combler le vide laissé par des élites disqualifiées.
Ce n’est plus l’autorité qui descend du haut de l’État vers le peuple : c’est le peuple, ou plutôt ce qui reste de lui dans sa forme brute, qui menace de s’emparer de ce qui chancelle. L’effondrement progressif des médiations institutionnelles crée un espace dangereux, où l’opinion publique devient tribunal, et où la rumeur vaut sentence.
La querelle Mutamba-Mvonde est ainsi bien plus qu’un affrontement de personnalités : elle incarne la rupture d’un équilibre déjà fragile. Elle révèle l’effondrement du sens de l’État, l’incapacité des institutions à préserver leur autorité dans la discrétion et la retenue. En transformant la sphère publique en arène, ces responsables offrent aux citoyens un spectacle de déchéance, et instillent le poison du cynisme. Car à force de voir les détenteurs du pouvoir s’écharper en place publique, le peuple cesse de croire aux vertus de la gouvernance, et finit par douter de l’utilité même de la chose publique.
Le gouvernement, dans sa globalité, se trouve éclaboussé par cette dérive, et c’est l’édifice républicain tout entier qui en pâtit. Il ne s’agit plus d’éviter une simple crise d’image : il faut conjurer le spectre d’une désagrégation institutionnelle, d’une rupture de confiance irrémédiable, qui pourrait, à terme, engendrer des formes de contestation bien plus radicales.
Il est encore temps de restaurer la décence, de rappeler que le pouvoir est service, et que la grandeur d’un État réside dans sa capacité à résoudre ses contradictions dans la sérénité et non dans le tumulte. Mais pour cela, encore faut-il que l’orgueil cède la place à la sagesse.

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