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En RDC l’honneur féminin défie l’arbitraire militaire

Redigé par Tite Gatabazi
Le 30 octobre 2025 à 11:37

L’affaire Sarah Ebabi aura fait vaciller les certitudes et révélé, une fois encore, les fragilités d’une institution militaire en quête d’équilibre entre rigueur et humanité.

En quelques images, un simple baiser échangé avec son fiancé, bientôt époux , l’adjudante Sarah Ebabi, militaire exemplaire au service de la République depuis plus d’une décennie, est devenue malgré elle le symbole d’une lutte plus vaste : celle de la dignité féminine face aux relents d’un pouvoir patriarcal encore ancré dans les replis de l’uniforme.

Ce mercredi 29 octobre 2025, le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Gombe a rendu son verdict dans une atmosphère saturée de tension et d’attente. Poursuivie pour « atteinte à la discipline militaire » après la diffusion sur les réseaux sociaux de clichés la montrant, en tenue d’apparat, aux côtés de son fiancé, Sarah Ebabi a été condamnée à douze mois de servitude pénale principale, assortie d’un sursis de douze mois.

Un jugement d’apparente clémence, mais qui laisse entrevoir la rigidité d’un système où le code disciplinaire sert trop souvent de paravent à des motivations inavouées.

Car derrière le chef d’accusation, d’une banalité désarmante, se dissimule un malaise plus profond : celui d’une armée en proie à ses contradictions internes, où l’autorité hiérarchique peine à distinguer entre la rigueur nécessaire et l’abus de pouvoir. Les voix qui s’élèvent, au sein même de la troupe, murmurent que la jeune adjudante aurait, par dignité, repoussé les avances de certains supérieurs offensés d’un tel affront.

Si tel est le cas, la prétendue “atteinte à la discipline” ne serait qu’un prétexte commode à une vengeance d’un autre ordre celui d’un orgueil blessé sous le vernis de la hiérarchie.

La tempête médiatique qui a suivi l’annonce de son inculpation a bouleversé les codes. Les réseaux sociaux, souvent décriés pour leurs dérives, se sont transformés en tribune de justice populaire. Une clameur s’est élevée, vibrante, unanime, mobilisant citoyens, journalistes, juristes et anonymes autour d’un mot d’ordre simple : la justice ne saurait condamner l’amour. C’est cette vague d’indignation, cette marée numérique d’une rare intensité, qui a contraint les autorités à tempérer leur zèle répressif. Ainsi, là où la force voulait imposer le silence, la voix du peuple a fait reculer l’arbitraire.

Sarah Ebabi, par sa seule attitude, incarne désormais une icône involontaire, mais salutaire. Elle n’a pas cherché la gloire ni la révolte, elle n’a brandi aucun étendard : son seul “crime” fut d’aimer au grand jour. En cela, elle rappelle à tous que le courage peut revêtir les formes les plus simples, un sourire, un geste tendre, une fidélité à soi-même dans un univers qui confond souvent discipline et soumission.

Au-delà de son cas personnel, c’est la question du statut des femmes dans les corps armés qui s’impose à la conscience nationale. Comment concilier le devoir militaire avec les droits fondamentaux de la personne ? Comment exiger loyauté et honneur tout en niant la part d’humanité de ceux qui servent sous les drapeaux ?

L’affaire Ebabi appelle à une introspection institutionnelle : elle révèle les zones d’ombre d’un ordre militaire encore rétif à la modernité, mais désormais exposé à la lumière du regard public.

La République, si elle veut demeurer juste, doit protéger ceux qui la servent avec dignité. En épargnant la prison à Sarah Ebabi, la justice militaire a évité le pire ; mais c’est la société entière qui sort gagnante, car elle aura su rappeler, avec éclat, qu’aucune discipline ne saurait effacer l’humanité.

Dans le vacarme des armes et des injonctions, c’est un baiser qui aura triomphé, celui, silencieux mais éclatant, de la liberté retrouvée.

L’affaire Sarah Ebabi aura fait vaciller les certitudes et révélé, une fois encore, les fragilités d’une institution militaire en RDC

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