L’initiative présidentielle, présentée comme une offre de paix « courageuse » et « moralement assumée » par ses porte-parole, est interprétée par de larges pans de la classe politique comme une capitulation stratégique masquée sous des atours diplomatiques.
Dès le lendemain, le 10 octobre, des voix particulièrement virulentes se sont élevées pour dénoncer une démarche jugée « incohérente », « improvisée » et symptomatique d’un « déficit chronique de vision politique ».
L’opposant Claudel André Lubaya a fustigé la versatilité du chef de l’État, parlant d’« ambiguïtés diplomatiques » et de « retournements ridicules » qui fragilisent la crédibilité internationale de la République démocratique du Congo.
« De la moindre escarmouche à la poignée de main la plus inattendue », a-t-il ironisé, en rappelant les saillies martiales du président Tshisekedi à l’encontre du Rwanda, encore récentes dans toutes les mémoires.
Le ton n’a pas été moins sévère du côté d’Olivier Kamitatu, proche de Moïse Katumbi et actuellement en exil, qui a dénoncé des « mots vides » et des « prières sans foi », estimant que « la paix véritable ne se décrète pas à l’étranger mais se construit dans le dialogue inclusif entre Congolais », comme le proposent depuis longtemps la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC).
Plus incisive encore, la coalition Lamuka, par la voix de Prince Epenge, a dénoncé une « duplicité politique » qui consiste, selon elle, à offrir une « paix des braves » à Paul Kagame, tout en entretenant la confrontation avec les forces politiques et sociales congolaises.
Lamuka exige le retour immédiat du chef de l’État au pays afin qu’il entame un véritable dialogue national avec ses compatriotes plutôt que des gestes spectaculaires tournés vers l’extérieur.
Mais au-delà de la polémique conjoncturelle, cette nouvelle volte-face présidentielle s’inscrit dans une série de ruptures et de reniements qui ont jalonné le parcours de Félix Tshisekedi depuis son accession au pouvoir.
Celui qui, en 2019, s’était présenté comme le héraut du changement démocratique a méthodiquement rompu avec ses alliés successifs : d’abord Joseph Kabila, qui avait pourtant facilité son arrivée au pouvoir dans le cadre d’un accord tacite ; puis Vital Kamerhe, jadis présenté comme son partenaire stratégique et aujourd’hui marginalisé ; ensuite Moïse Katumbi, autrefois allié de circonstance devenu farouche opposant en exil.
A cette série de ruptures s’ajoutent les tensions répétées avec la CENCO, longtemps harcelée et diabolisée pour avoir osé dénoncer les dérives autoritaires du régime et ses carences éthiques.
Cette succession de trahisons politiques et d’alliances volatiles nourrit aujourd’hui l’image d’un président isolé, enfermé dans une logique de pouvoir solitaire et déconnecté des forces vives de la Nation. L’appel à la paix lancé à Kigali apparaît ainsi moins comme un geste stratégique que comme une manœuvre désespérée, destinée à réhabiliter une stature internationale fragilisée et à masquer une crise intérieure qui s’aggrave.
En réponse aux critiques, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, a tenté de défendre la ligne présidentielle en affirmant que « la paix est un choix assumé depuis le premier jour ». Tina Salama, porte-parole du chef de l’État, a pour sa part présenté l’initiative comme un « choix moral et politique clair », invitant le Rwanda à saisir « une main tendue » censée incarner la diplomatie de bon voisinage.
Mais sur la scène nationale, le scepticisme prévaut. Car dans un pays où les plaies intérieures restent béantes, la paix extérieure ne peut être crédible que si elle s’accompagne d’une réconciliation politique authentique.
Or, Félix Tshisekedi semble avoir choisi d’ignorer ses propres fractures internes pour rechercher la reconnaissance au-delà des frontières. Ce pari, pour l’heure, ressemble moins à une vision d’État qu’à une fuite en avant.
Si le président ne parvient pas à reconstruire des alliances solides à l’intérieur, sa main tendue vers l’extérieur risque fort d’apparaître comme le geste d’un homme politiquement isolé, affaibli et en quête d’un nouveau souffle diplomatique. L’opposition, elle, ne semble pas prête à le lui pardonner.

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