Lorsque Delly Sesanga élève la voix pour dénoncer le virage tardif du président Félix Tshisekedi, il ne s’agit pas d’une sortie opportuniste, mais d’un rappel cinglant : ceux qui plaidaient hier pour une approche diplomatique lucide, face à un conflit aux racines structurelles profondes, ont été marginalisés, vilipendés, voire punis.
Fortunat Biselele en a fait l’amère expérience, jeté en prison pour avoir simplement évoqué la nécessité d’un dialogue avec le Président Kagame.
Vital Kamerhe a, quant à lui, payé un lourd tribut politique pour avoir soutenu la même orientation, perdant son poste et subissant de virulentes attaques au sein même de la majorité présidentielle.
Nombreux sont également les opposants qui, pour avoir osé défendre cette voie de raison, ont dû s’exiler, rejetés par une opinion chauffée à blanc par un discours nationaliste martial. Les évêques catholiques, porteurs d’un appel courageux à un dialogue inclusif, ont été vilipendés comme de prétendus “politiciens en soutanes”, trahissant ainsi une société politique plus encline à la surenchère qu’à la lucidité.
Et pourtant, aujourd’hui, ironie tragique de l’histoire, c’est ce même Président Tshisekedi qui, après des menaces publiques de renverser le pouvoir rwandais, tend la main à Kigali et évoque la paix. Cette volte-face, tardive mais inévitable, n’efface pas les dégâts accumulés : des années perdues dans une stratégie militaire illusoire, des ressources colossales dilapidées, des vies humaines brisées, et une crédibilité internationale érodée.
La vérité, qu’on l’admette ou non, est que la voie militaire n’a jamais été une option réaliste pour résoudre une crise dont les racines plongent dans les défaillances internes de l’État congolais : armée en déshérence, gouvernance fragmentée, institutions vacillantes, société polarisée.
Ceux qui l’avaient compris tôt n’étaient pas des faibles ni des traîtres : ils étaient, tout simplement, en avance sur leur temps.
Ce moment politique pose une question cruciale : la reconnaissance de ces voix marginalisées s’accompagnera-t-elle d’une réhabilitation morale et politique ? Ou bien le pouvoir se contentera-t-il d’effacer discrètement l’échec de la surenchère en se drapant dans la toge du pragmatisme tardif ?
La grandeur d’un État se mesure à sa capacité de reconnaître, avec humilité, ceux qui ont vu clair avant les autres, non à écraser ceux qui ont osé penser autrement.
Le retour au dialogue n’est pas une victoire politique : c’est une reddition à la réalité. Mais cette reddition peut devenir un tournant historique si elle s’accompagne d’un véritable examen de conscience national.
L’heure est grave et il serait tragique de la dilapider dans des manœuvres de façade. Car les pertes, déjà considérables, ne sauraient se payer une seconde fois au prix du sang et de l’aveuglement.

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