Très vite, son volontarisme va virer à un chemin de croix entre les erreurs d’un novice, les attentats contre sa personne, les résistances des caciques, les appétits gloutons des arrivistes et les trahisons inhérentes à la vie politique.

Lors de son séjour au Nord Kivu et sa visite en Ituri, il avait pourtant fait un travail conceptuel, une analyse prospective, sociale et culturelle de l’Est de la RDC.

Pour mémoire, en visite à Sake, la banlieue de Goma, Tshisekedi avait compatit avec les déplacés, promis une commission d’experts congolais pour analyser les causes structurelles de la crise et lui soumettre des propositions concrètes.

Cette commission ne verra pas le jour.

A Bunia, il s’était lâché et avait été applaudi. Il y dénonçait, sans ambages, les magouilles et la mafia qui se sont installées au cœur des institutions de la RDC. Il avoua que jour après jour, avec l’expérience, il découvrait, stupéfait la profondeur et la gravité du mal qui ronge son pays.

Il assure qu’il va s’attaquer à ce monstre et rendre son lustre au Congo.

Il s’inscrira un moment dans le camp de ceux qui prônent un dialogue politique et non une campagne militaire désastreuse à l’Est RDC.

Mais il sera incapable de trancher sur la démarche à suivre.

Comment comprendre ce revirement sans une autopsie de son action politique et diplomatique qui éclairent mieux les raisons de la débâcle.

Après son séjour au Nord Kivu et Ituri où il avait touché du doigt l’abcès, le premier conseil supérieur de défense va doucher les espoirs que ce séjour avait suscité.

Le conseil de défense va annoncer les couleurs en traitant le M23 de mouvement terroriste.

Le même conseil va escamoter la porosité entre les FARDC et les groupes armées, faire l’impasse sur les magouilles et la mafia, va allumer la mèche du discours de haine, de l’incitation à la violence avec passage à l’acte.

Lesdits conseils vont se poursuivre et se ressembler. Et Tshisekedi va se plier.

Ils vont instaurer une propagande et la désinformation qui vont frapper même les plus lucides.

Il y a désormais le camp des patriotes, les va-t’en guerre qui diabolisent les autres. Les tutsis congolais en premier.

Les vidéos qui circulent sur la toile font froid dans le dos. On y exhibe les machettes et armes blanches, les autorités appellent ouvertement et publiquement à la chasse au tutsis congolais.

La classe politique ne sera pas du reste. Ainsi que la société civile et les activistes des droits humains.

Le conseil va annoncer que la RDC fait face à une agression du Rwanda.

Et va décréter la mobilisation générale : tous derrière les Forces Armées de la République Démocratique du Congo. Le slogan je suis FARDC prend de l’ampleur.

Espérant faire oublier les accords signés avec le M23, la présence de plus de cent trente groupes armés et l’implication de certaines hautes autorités dans cette prolifération.

Le gouvernement congolais va se jeter à corps perdu dans l’alimentation de la rhétorique de l’agression.

Mais la narration refuse de prendre et la colère monte.

On décèle effectivement dans le discours officiel, quelque chose de l’ordre du déni. A Kinshasa on fuit l’évidence.

La tentative d’embarquer la Monusco dans l’alliance des FARDC et les FDRL va échouer. Et on va instrumentaliser les milices contre la Monusco.

Le Président du Sénat, Bahati Lukwebo sera missionner à Goma pour allumer la mèche contre la mission des nations unies.

Des images effroyables du saccage et du pillage des installations de la Monusco ainsi que les agressions sur les soldats de la paix vont choquer le monde entier.

Mais le gouvernement congolais va multiplier les esclandres sans convaincre.

Des millions des dollars dépensés auprès des cabinets de lobbies pour obtenir la condamnation du Rwanda comme agresseur tardent à donner des résultats.

Sur le terrain militaire, forte des supplétifs que sont les FDRL, Nyatura et les Mai Mai, les FARDC ne tiennent pas face à la détermination du M23.

Apres Bunagana, le M23 vient de conquérir Kiwanja, Rutshuru et le très symbolique et stratégique camp militaire de Rumangabo.

Ils sont aux portes de Goma.

D’où l’escalade diplomatique et médiatique à Kinshasa.

Ce 29 octobre 2022, le conseil supérieur de défense vient de décider de l’expulsion de l’Ambassadeur du Rwanda en RDC, Vincent Karega et de la restriction des mouvements des personnes entre les deux pays.

Dans un communiqué assez mesuré, le Rwanda a signifié à la RDC son indignation et sa désapprobation des décisions regrettables.

La RDC connait un niveau de corruption endémique inquiétant, une population en insécurité alimentaire, sans accès aux infrastructures et services sociaux de base, sans voies de communication. La liste n’est pas exhaustive.

Plutôt que de s’attaquer aux causes structurelles des crises exacerbées par l’appât du gain et des ambitions politiques, Tshisekedi a cédé face à la mafia.

La perspective des élections prochaines et les revirements dans les alliances est à mettre aussi sur ce compte de l’escalade.