Son discours d’hier, véritable réquisitoire à la hauteur d’une crise de régime, a porté un coup de semonce contre le pouvoir de Félix Tshisekedi, que l’ancien président accuse d’avoir perverti les fondements mêmes de la République démocratique du Congo.
Une charge à la rhétorique accusatoire
Dans une envolée langagière qui évoque les grands discours de rupture et de désaveu, le président honoraire et sénateur a vie, Joseph Kabila ne se contente pas de dresser un constat : il élève une accusation. Les termes employés relèvent d’une sémantique de la désolation et du blâme. Il parle d’« ivresse du pouvoir sans limite », suggérant une aliénation du sens de l’État, une hubris présidentielle qui aurait rompu tout équilibre institutionnel.
La « violation délibérée de la Constitution » et le « coup d’État institutionnel » qu’il dénonce désignent moins des errements que des actes délibérés de sédition juridique et politique, orchestrés selon lui pour concentrer entre les mains d’un seul homme les leviers de la souveraineté nationale.
À travers une litanie de griefs, le tableau que dresse Kabila esquisse du « régime en place à Kinshasa » est celui d’un pouvoir devenu illégitime, enfermé dans un populisme incantatoire, et dissimulant sous des oripeaux démocratiques le visage grimaçant de l’autoritarisme. Il évoque un « simulacre des élections », allusion directe à un processus électoral vidé de son sens, et qui, loin de refléter la volonté du peuple, serait selon lui une manœuvre de légitimation factice d’un pouvoir déjà acquis à la fraude.
L’acte d’accusation d’un État devenu prédateur
Dans cette diatribe, chaque mot est choisi avec précision pour produire l’effet d’un couperet : « dictature », « tyrannie », « pensée unique », « chambre d’enregistrement de la volonté d’une seule personne » autant de formules qui traduisent une confiscation progressive et méthodique de la pluralité démocratique. Le Parlement est présenté comme l’ombre servile d’un exécutif omnipotent, la justice comme « un instrument d’oppression », ayant « complètement démissionné » de sa mission première de contre-pouvoir.
Mais la gravité des accusations ne s’arrête pas là. Kabila évoque un « crime incontestable contre l’humanité », allusion terrible aux « massacres des adeptes » à Goma ainsi qu’à la prison de makala à Kinshasa et à l’usage dévoyé de « milices tribales », de la police et des services de renseignements, qui auraient été retournés contre la population.
Le ton se fait alors plus sombre, presque crépusculaire, lorsqu’il évoque un « chaos indescriptible », une « perte du monopole de la violence légitime », et la « déliquescence sécuritaire » d’un État incapable d’assurer la paix civile.
Une dénonciation de l’éthique dévoyée du pouvoir
Le tableau dressé est d’autant plus accablant qu’il lie la crise politique à une faillite morale. Kabila stigmatise une « institutionnalisation du tribalisme et du népotisme », dénonçant une République capturée par des logiques claniques et patrimoniales. Il pourfend un discours public saturé de « haine, stigmatisation, injustice, impunité », prélude à une société fragmentée, minée par le « repli identitaire », l’intolérance et la division.
L’État, dès lors, n’est plus perçu comme garant du bien commun, mais comme vecteur d’asphyxie des populations et d’abandon par le pouvoir central.
Le diagnostic est implacable : la RDC serait, selon l’ancien président, redevenue un État failli, incapable de maîtriser ses instruments de gouvernance, rongée par une corruption inédite, engluée dans une politique extérieure faite de jérémiades et de mendicité, et engagée dans un recul spectaculaire de la démocratie.
Une sentence politique au nom de la mémoire républicaine
Au-delà de la posture partisane ou du règlement de comptes, ce discours s’inscrit dans une forme de rappel à l’ordre historique. Kabila s’érige en gardien d’une République trahie par ceux qui prétendaient la restaurer. Dans un ton prophétique, il dépeint un « régime qui tente désespérément de survivre à contre-courant de l’histoire », et annonce implicitement le retour des temps de l’épreuve et du sursaut.
Loin de chercher à restaurer son image ou à ouvrir une perspective électorale, Kabila entend rappeler que la souveraineté populaire n’est ni un slogan ni un trophée de conquête : c’est un legs sacré. Et lorsqu’elle est profanée, le devoir de mémoire devient acte de résistance.
Ce discours, qui sonne comme une condamnation sans appel, résonne aujourd’hui comme l’un des plus durs plaidoyers contre un pouvoir en place depuis la transition démocratique congolaise. Et il marque peut-être, dans le silence assourdissant d’une opposition fragmentée, le retour d’une parole lourde, austère, fondée sur une connaissance intime du pouvoir mais aussi, possiblement, sur le calcul froid du moment propice.

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