Kinshasa joue avec le feu avec le discours de haine

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 juin 2025 à 06:48

Le Rwanda a pris part à la 59e session du Conseil des droits de l’homme et a prononcé une déclaration lors du Dialogue interactif renforcé sur la situation dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).

Au cœur des convulsions qui ensanglantent l’Est de la République démocratique du Congo, l’instabilité chronique s’enracine avant tout dans l’incapacité persistante des autorités congolaises à juguler leurs propres déficiences de gouvernance et à rétablir une architecture sécuritaire effective.

A ce mal endémique s’ajoute, la collusion désormais patente entre Kinshasa et les FDLR  : cette connivence se traduit par des attaques transfrontalières, des incursions dans l’espace aérien rwandais et de troublantes disparitions de ressortissants de la patrie des Mille Collines.

Parallèlement, la prolifération d’un discours de haine visant les Congolais rwandophones, toléré, voire attisé, par certains cénacles politiques, dont le parti au pouvoir, alimente une dynamique de fragmentation communautaire qui menace de raviver les braises jamais totalement éteintes des violences ethniques.

Comme si cette dialectique d’hostilité ne suffisait pas, les appels explicites au changement de régime à Kigali, proférés par les chefs d’État congolais et burundais, marquent une escalade d’une gravité inédite  : ils bafouent le principe sacro saint de non ingérence et fragilisent l’édifice, déjà vacillant, de la stabilité régionale.

Dans ce contexte inflammable, le Rwanda en appelle à l’impartialité absolue de la mission d’établissement des faits mandatée par le Conseil des droits de l’homme. Seule une enquête affranchie de toute interférence politique pourra préserver la crédibilité de cette instance normative et empêcher que les arènes multilatérales ne deviennent les chambres d’écho d’accusations croisées, au détriment d’une paix durable dans les Grands Lacs.

La prise de parole du Rwanda à l’occasion de la 59ᵉ session du Conseil des droits de l’homme s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes dans la région des Grands Lacs, marquée par une résurgence des violences dans l’Est de la République démocratique du Congo.

En soulignant les responsabilités endogènes de Kinshasa dans l’entretien de l’instabilité à savoir la faiblesse structurelle des institutions, l’absence d’une gouvernance inclusive et la fragmentation du commandement militaire, Kigali recentre le débat sur les causes internes du chaos sécuritaire, souvent occultées par une rhétorique diplomatique accusatoire.

La dénonciation par le Rwanda de la connivence entre les autorités congolaises et les FDLR, groupe armé impliqué dans le génocide contre les tutsi de 1994, ne relève pas d’un simple différend bilatéral. Elle met en lumière une réalité géopolitique plus vaste : l’instrumentalisation des groupes armés à des fins de souveraineté politique et de projection régionale. Les attaques transfrontalières, les atteintes à l’intégrité territoriale rwandaise par des violations de l’espace aérien, et les disparitions inexpliquées de ressortissants rwandais témoignent d’un climat de provocation qui compromet gravement les chances d’une désescalade.

L’émergence d’un discours de haine dirigé contre les Congolais rwandophones, toléré voire encouragé dans certaines sphères du pouvoir congolais, constitue un ferment de division ethnique dont les répercussions dépassent les frontières de la RDC. Cette rhétorique identitaire, à rebours des engagements pris en matière de lutte contre les discours incitant à la haine, alimente les pulsions génocidaires encore latentes et menace les acquis de paix obtenus de haute lutte dans la région.

Plus grave encore, l’appel explicite à un changement de régime à Kigali, émanant non pas d’acteurs marginaux mais des plus hautes autorités congolaises et burundaises, constitue une transgression inédite des principes de non-ingérence. Une telle position, qui revient à légitimer une logique de confrontation ouverte, compromet durablement la stabilité régionale et sape les mécanismes de coopération interétatique.

Dans ce climat de suspicion mutuelle, le Rwanda plaide avec fermeté pour une mission d’établissement des faits véritablement impartiale et soustraite aux pressions politiques. Cette exigence de neutralité ne procède pas d’un calcul opportuniste, mais d’une volonté de préserver l’intégrité du Conseil des droits de l’homme en tant qu’instance normative indépendante. La politisation de ses travaux, si elle devait s’accentuer, ruinerait irrémédiablement sa crédibilité, au risque de transformer les fora multilatéraux en simples tribunes d’accusations réciproques.

Ainsi, la position rwandaise, loin de se résumer à un plaidoyer défensif, s’érige en mise en garde contre une dynamique de régionalisation du conflit qui, si elle n’est pas jugulée, pourrait plonger à nouveau l’Afrique centrale dans un cycle de violences dont personne ne sortirait indemne.

Le Rwanda a participé à la 59e session du Conseil des droits de l’homme et s’est exprimé lors du Dialogue interactif renforcé sur la situation dans l’Est de la RDC

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