La capitale kényane, déjà témoin de plusieurs tournants majeurs de la trajectoire politique congolaise récente, redevient, une fois encore, le théâtre d’un moment charnière dans la recomposition des forces d’opposition en République démocratique du Congo.
Il faut en effet se souvenir que Nairobi a souvent servi de cadre discret mais déterminant à des compromis, des alliances et des retournements de situation majeurs. C’est là que s’était scellé, en 2013, l’accord mettant un terme à l’insurrection du M23, accord qui avait alors permis au pouvoir de Kinshasa de revendiquer une victoire politique et militaire.
C’est encore là qu’a été porté sur les fonts baptismaux le Cap pour le changement (CACH), alliance circonstancielle entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, prélude à la conquête du pouvoir en 2018.
C’est toujours à Nairobi qu’avait été dévoilé, dans une conférence de presse soigneusement orchestrée, l’alliance entre Alliance Fleuve Congo et le M23, en présence de Corneille Nangaa et Bertrand Bisimwa : un moment qui avait profondément redessiné le paysage politico-militaire de l’Est congolais.
Dans cette continuité historique, voir aujourd’hui Joseph Kabila convier, dans cette même ville, des figures de l’opposition et des mouvements citoyens venus de divers horizons, relève moins du hasard que d’une stratégie mûrement réfléchie.
L’ancien président, dont l’ombre continue de peser sur la scène politique congolaise, réactive ainsi un levier symbolique puissant : Nairobi comme lieu d’inflexion, de construction de coalitions, de repositionnements décisifs. En reconstituant autour de lui une constellation d’acteurs politiques et civiques, il cherche manifestement à inscrire son action dans une dynamique de recomposition de l’opposition en amont des prochaines échéances électorales et des luttes de pouvoir à venir.
Ce rassemblement soulève toutefois plusieurs interrogations : assiste-t-on à une véritable refondation de l’opposition congolaise ou à une simple opération de repositionnement tactique ?
S’agit-il d’un sursaut collectif ou d’une convergence circonstancielle dictée par des ambitions personnelles ? Quoi qu’il en soit, cette initiative confère à Kabila un rôle de pivot autour duquel gravitent à nouveau des forces longtemps dispersées, voire antagonistes. Elle pourrait marquer le retour sur le devant de la scène d’un acteur que d’aucuns avaient trop rapidement relégué aux marges de l’histoire politique.
Il convient enfin de noter que cette rencontre s’inscrit dans un contexte particulièrement tendu : les tensions dans l’Est, les crispations politiques internes et la défiance croissante envers les institutions en place confèrent à toute initiative d’envergure une résonance particulière.
Nairobi apparaît dès lors comme un laboratoire politique où se dessinent, dans l’ombre des caméras, les lignes de fracture et les alliances de demain. La géographie de cette rencontre est en elle-même un message : les batailles politiques congolaises ne se jouent plus seulement à Kinshasa, mais aussi dans des espaces transnationaux où se nouent des alliances décisives.
En définitive, l’histoire retiendra peut-être que Nairobi, cette capitale qui a vu naître et s’éteindre tant d’accords, pourrait être le point de départ d’une nouvelle phase de la vie politique congolaise : celle où l’opposition tente, dans l’incertitude et les calculs, de retrouver une voix commune. Reste à savoir si cette voix sera celle de la refondation ou simplement de la revanche.

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