La diplomatie feutrée du Président Angolais

Redigé par Tite Gatabazi
Le 16 mai 2025 à 02:01

Dans le théâtre instable des transitions post-autoritaires, où le vacarme des armes succède à celui des harangues présidentielles, rares sont les gestes empreints d’une gravité digne des âges classiques du droit des gens.

L’accueil, en Angola, de l’ex-président gabonais Ali Bongo Ondimba et de sa famille, après leur libération par les nouvelles autorités de Libreville, constitue un de ces actes à la fois feutrés et profondément signifiants, où la symbolique diplomatique se double d’une manœuvre politique à la portée continentale.

Il faut d’abord saluer, sans naïveté mais avec lucidité, l’initiative du président João Lourenço, chef d’État angolais et président en exercice de l’Union africaine, dont l’entregent discret a permis de desserrer le carcan dans lequel était maintenue la famille Bongo depuis le coup d’État du 30 août 2023.

Car il ne s’agit pas là d’un simple geste humanitaire : il est, en vérité, l’expression d’une diplomatie de conciliation, menée avec le tact des vieilles écoles, dans une Afrique que l’on dit souvent impulsive mais où se dessinent, en sourdine, des équilibres d’une rare subtilité.

Une sortie par le velours

La figure d’Ali Bongo, déchu après près de quatorze années de règne, semblait promise à l’oubli ou à l’humiliation d’une justice expiatoire. L’homme, diminué par un AVC, confiné dans les palais et les non-dits, était devenu le spectre de sa propre puissance.

Sa libération, qui coïncide avec une volonté manifeste des nouvelles autorités gabonaises de tourner la page sans trop en froisser les feuillets, suggère que le général-président Brice Oligui Nguema entend gouverner dans l’équilibre plus que dans la revanche.

En Angola, terre d’exil paradoxale, car longtemps elle-même ravagée par la guerre civile, le choix de Luanda n’est pas fortuit. C’est une capitale où se brassent les influences, les ambitions et les mémoires croisées. En accueillant la famille Bongo, le pouvoir angolais s’offre non seulement en garant d’une certaine paix post-transitionnelle, mais aussi en médiateur crédible dans les querelles intestines des régimes francophones d’Afrique centrale. João Lourenço, en fin stratège, s’érige ainsi en acteur pondérateur, soucieux de préserver les formes sans entraver les réformes.

La fin d’un cycle dynastique

Il serait illusoire de croire que cette expatriation volontariste signe une quelconque réhabilitation morale de l’ex-président gabonais. Le legs de la dynastie Bongo, entamée en 1967 avec l’avènement d’Omar Bongo, père fondateur du "système", reste entaché d’une gestion patrimoniale de l’État, d’un népotisme structurel et d’une propension presque baroque à la confusion des genres entre biens publics et intérêts privés.

Mais c’est justement parce que ce cycle est clos que la transition gabonaise semble pouvoir s’opérer sans la vengeance ni le tumulte.

Le geste angolais s’inscrit donc dans une logique de désescalade symbolique, une manière de préserver, pour demain, les possibilités d’un dialogue national apaisé. En cela, cette libération et cet accueil révèlent que, dans l’Afrique contemporaine, les mutations politiques n’obéissent plus nécessairement au seul prisme des ruptures brutales. Elles peuvent désormais emprunter le chemin plus incertain, mais ô combien plus fécond, des reconfigurations patientes, sous le regard vigilant mais discret des pairs du continent.

Vers une diplomatie des équilibres

Ce moment, qui pourrait sembler anodin pour les observateurs pressés, incarne en réalité une inflexion notable dans la manière dont les crises post-coup d’État sont gérées sur le continent africain. Moins de condamnations tonitruantes, plus de canaux de médiation. Moins d’excommunications politiques, plus de passerelles discrètes. L’Union africaine, souvent taxée d’inaction, retrouve ici, par la volonté de l’un de ses dirigeants les plus avisés, une posture de régulation douce, qui ne juge pas mais prévient, qui n’incrimine pas mais pacifie.

En définitive, l’arrivée d’Ali Bongo en Angola marque moins une fuite qu’un arrachement symbolique à un système révolu. Le geste de Luanda est à lire comme l’un de ces signaux faibles, porteurs d’un continent qui s’émancipe peu à peu des logiques binaires de la force et de la faiblesse, de la fidélité et de la trahison.

C’est un continent où les exils dorés peuvent parfois valoir mieux que les procès spectaculaires ; où la discrétion peut être plus féconde que la surenchère.

Ainsi, à l’ombre des capitales où se décident encore trop souvent les destins des peuples sans leur consentement, un autre récit s’écrit, celui d’une Afrique qui, lentement, s’enseigne la sagesse du long terme.

L’accueil d’Ali Bongo en Angola, après sa libération, mêle geste diplomatique discret et manœuvre politique à portée continentale

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