Le Burundi face au défi d’une démocratie en sursis

Redigé par Tite Gatabazi
Le 10 juin 2025 à 11:34

Le Burundi, nation profondément meurtrie par les affres d’un passé récent marqué par des conflits sanglants, des guerres civiles et un autoritarisme durable, se trouve à une nouvelle étape cruciale de son parcours politique.

A l’aube du renouvellement parlementaire, le pays se confronte à un dilemme existentiel dont l’enjeu dépasse largement la simple élection formelle : il s’agit de l’avenir même de la nation burundaise et de la pérennité d’un ordre politique capable d’assurer paix, justice et développement.

L’instrumentalisation de la démocratie électorale : un mécanisme de reproduction du pouvoir

Le scrutin parlementaire imminent s’inscrit dans une logique où les mécanismes démocratiques sont captés et réorientés au service exclusif du pouvoir en place. Cette instrumentalisation se manifeste notamment par l’exclusion systématique des acteurs politiques majeurs de l’opposition, réduisant ainsi la compétition électorale à une parodie. Cette configuration dénature la fonction essentielle du suffrage universel, qui doit être l’expression libre et équitable de la volonté populaire.

L’élection, au lieu de constituer un espace de confrontation des idées et de renouvellement des mandats, se transforme en un rituel de confirmation du monopole politique du CNDD-FDD, parti hégémonique dirigé par Evariste Ndayishimiye. Cette prédétermination politique est symptomatique d’un régime qui, tout en brandissant les oripeaux de la démocratie, en verrouille méthodiquement les mécanismes pour en contrôler les issues.

L’ambivalence du régime Ndayishimiye : entre réformes cosmétiques et maintien du contrôle autoritaire

Depuis son investiture en 2020, Evariste Ndayishimiye tente d’équilibrer un jeu complexe, oscillant entre des gestes symboliques d’ouverture et une stratégie rigoureuse de contrôle politique. Le président affiche une volonté de réconciliation et de paix, notamment à travers des actes symboliques tels que le vote familial sur sa terre natale. Toutefois, cette posture se heurte à la réalité d’un appareil d’État toujours fortement imprégné par les anciennes structures militaires et sécuritaires, où les généraux et cadres du CNDD-FDD conservent une influence prépondérante.

La suspension du Conseil national pour la liberté (CNL), principal parti d’opposition, sous le prétexte d’irrégularités organisationnelles, révèle le mode opératoire de ce contrôle : une régulation autoritaire déguisée en démarche administrative. Ce mélange de façade démocratique et de répression ciblée affaiblit gravement la confiance des citoyens dans les institutions et entretient un climat de méfiance et de polarisation.

Le péril d’une démocratie formelle vidée de son essence

Cette dynamique conduit à une forme de démocratie formelle, dans laquelle les mécanismes institutionnels subsistent mais sont vidés de leur substance. La multiplication des dysfonctionnements électoraux, les pressions exercées sur les électeurs et les entraves à la liberté d’expression constituent autant de signaux alarmants d’un recul démocratique.

Cette dégradation s’avère particulièrement inquiétante dans un contexte où la stabilité sociale et politique demeure fragile. La paix, ne saurait se consolider durablement sans un ancrage profond dans la justice sociale et politique. Or, en fermant l’espace politique à toute opposition crédible et en bafouant les droits fondamentaux, le régime compromet sa propre légitimité et fragilise les bases mêmes de la coexistence pacifique.

Perspectives et enjeux pour l’avenir

Face à cette impasse, le défi est immense. Il incombe autant à la société civile burundaise qu’à la communauté internationale de soutenir sans relâche les initiatives visant à restaurer un espace politique inclusif, transparent et pluraliste. Cela suppose non seulement la réhabilitation du processus électoral dans sa dimension authentiquement démocratique, mais aussi la garantie du respect des droits humains et la fin des pratiques répressives.

La voie du dialogue politique sincère, fondé sur la reconnaissance mutuelle des acteurs et la défense des principes démocratiques, apparaît comme la seule alternative viable pour conjurer le risque d’une crise sociale majeure. Sans cette transformation, le Burundi pourrait voir ressurgir les vieux démons de la violence et de l’exclusion, au détriment du progrès et de la paix durables.

Le Burundi, marqué par un passé de conflits, de guerres civiles et d'autoritarisme, entre aujourd’hui dans une phase politique cruciale

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