En l’espace de deux semaines, plus de 84 000 personnes ont franchi la frontière burundaise, saturant des sites d’accueil manifestement inadaptés à un afflux d’une telle ampleur. Cette mobilité forcée, brutale et non anticipée, s’inscrit dans le schéma classique des déplacements de populations en contexte de conflit armé, où l’urgence supplante toute considération administrative ou statutaire.
Or, de nombreux témoignages concordants font état d’une réalité plus troublante encore : celle de ressortissants congolais exprimant clairement leur volonté de regagner la ville d’Uvira et ses environs, mais se trouvant empêchés de le faire en raison de la fermeture de la frontière par les autorités burundaises.
Ce blocage, loin d’être une simple mesure de régulation frontalière, s’apparente de facto à une rétention forcée de populations civiles, privées de leur liberté de mouvement et maintenues sur un territoire étranger contre leur gré.
Une telle situation ne saurait être banalisée ni dissimulée derrière le vocabulaire humanitaire. Être réfugié suppose, en droit comme en fait, une demande de protection volontaire et le refus ou l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine en raison de persécutions avérées.
Or, retenir des personnes qui souhaitent expressément rentrer chez elles relève d’une tout autre logique : celle de la contrainte, de la privation de liberté et à certains égards, d’une forme de captivité administrative. Sous cet angle, la frontière fermée devient moins une ligne de souveraineté qu’un instrument de coercition.
Une violation caractérisée du droit international : de la rétention arbitraire à une prise d’otage déguisée
Le droit international est sans ambiguïté sur ce point fondamental : nul ne peut être privé de sa liberté de circulation ni retenu contre sa volonté sans base légale strictement encadrée. La Déclaration universelle des droits de l’homme, en son article 13, consacre le droit de toute personne de quitter tout pays, y compris le sien et d’y revenir.
De même, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prohibe toute détention arbitraire et impose que toute restriction à la liberté de mouvement soit nécessaire, proportionnée et conforme à la loi.
En l’espèce, empêcher des civils de regagner leur pays d’origine, alors même qu’ils en expriment le souhait explicite, constitue une violation manifeste de ces principes. Cette rétention forcée, dépourvue de justification juridique transparente et de garanties procédurales, ne peut être assimilée à une mesure de protection.
Elle s’apparente bien davantage à une forme de prise d’otage institutionnelle, où des êtres humains deviennent les variables d’ajustement de calculs politiques, sécuritaires ou financiers.
Le rôle du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dans ce contexte, soulève de sérieuses interrogations éthiques et juridiques. Plutôt que d’exiger avec fermeté la réouverture de la frontière et le respect du droit au retour volontaire, l’institution semble privilégier la gestion prolongée de camps et de dispositifs d’assistance, transformant une crise transitoire en situation pérenne.
Une telle posture alimente inévitablement le soupçon d’une économie humanitaire pervertie, dans laquelle la détresse des populations déplacées se trouve, convertie en variable d’intérêt et en source de rente.
Les autorités burundaises semblent ainsi s’inscrire dans une logique d’instrumentalisation délibérée de la crise humanitaire, réduite à un levier de négociation, de captation de financements et de visibilité internationale. La vulnérabilité extrême des civils, loin d’appeler une réponse fondée sur l’éthique, le droit et la solidarité, paraît exploitée à des fins bassement mercantiles, au mépris de la dignité humaine et des principes cardinaux du droit international.
Une telle dérive, où l’urgence humanitaire se voit subordonnée à des calculs opportunistes, constitue non seulement une faillite morale, mais aussi une atteinte grave à l’esprit même de la protection internationale.
Il convient de le rappeler avec force : on ne saurait qualifier de réfugiée une personne qui souhaite rentrer chez elle et à qui l’on refuse ce droit fondamental.
La protection internationale ne peut se muer en détention déguisée, ni l’humanitaire servir d’alibi à la suspension des libertés les plus élémentaires. À défaut, c’est l’architecture même du droit international des droits humains et du droit des réfugiés qui se trouve vidée de sa substance, au profit d’une gestion cynique et déshumanisante des crises.














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