Cette décision intervient après une plainte déposée par le collectif CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda), ainsi que par les associations Rwanda Avenir et GAERG, qui militent pour traduire en justice les responsables de ce génocide cachés en France.
Le 24 octobre 2024, le tribunal a commencé à examiner si celui-ci pouvait traiter cette affaire. À cette occasion, le ministère des Armées français avait demandé que le tribunal reconnaisse son incompétence pour juger les actions de l’État dans l’assistance présumée au gouvernement génocidaire rwandais de l’époque.
Dans une interview accordée à IGIHE, Dafroza Gauthier, cofondatrice du CPCR, a déclaré : “Le Tribunal administratif a rejeté notre demande, affirmant qu’il n’avait pas la compétence de juger les actions de l’État en matière d’assistance au régime génocidaire. Nous ferons appel.”
Dafroza a expliqué que la plainte déposée repose sur trois mémoires détaillant les actions de l’État français au Rwanda entre 1990 et 1994.
Elle a ajouté que la France avait non seulement abandonné et refusé "d’évacuer ses employés Tutsi de l’Ambassade et d’autres employés du Centre Culturel Français", mais aussi que des soldats français avaient violé des femmes tutsies dans la zone Turquoise.
Elle a également indiqué que les associations ont accusé les soldats français d’avoir participé à des actes de discrimination ethnique en contrôlant les cartes d’identité des Rwandais aux barrages routiers pendant l’opération Turquoise.
L’avocat Serge Lewisch, représentant les associations, a déclaré au tribunal : “L’État français aurait pu empêcher le génocide, mais ne l’a pas fait, et a continué à soutenir un gouvernement génocidaire sur le plan politique, diplomatique et militaire.”
Dafroza a précisé que les associations feront appel de la décision devant la cour d’appel, soulignant qu’elles souhaitent que “l’État français reconnaisse sa responsabilité dans le génocide contre les Tutsi.”
Si les tribunaux français ne reconnaissent pas la responsabilité de la France dans le génocide contre les Tutsi de 1994, les associations envisagent de porter l’affaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) à Strasbourg.
Les soldats français de l’opération Turquoise, lorsqu’ils sont arrivés à Cyangugu, se sont divisés en groupes. Un grand nombre d’entre eux est resté à Kamembe, près de l’aéroport, tandis que d’autres se sont rendus à Nyarushishi, Bugarama, Ntendezi et Kirambo. Lorsqu’ils sont arrivés à Nyarushishi, ils ont inspecté le camp et photographié les habitants.
Après trois jours, ils ont repéré où se cachaient les femmes et les filles et ont commencé à les emmener pour les violer, bien qu’ils aient été censés les protéger.
Le livre intitulé “Le génocide des Tutsi dans l’ancienne préfecture de Cyangugu”, publié par la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG), rapporte plusieurs témoignages de personnes ayant été témoins de ces horreurs.
Kambogo Constance témoigne : “Les Français prenaient les filles en plein jour et les violaient. Ils venaient dans le camp, circulaient, et emmenaient les filles dans les tentes, leur disant qu’elles devaient venir pour faire le ménage.”
Parmi les victimes de viol à Nyarushishi se trouvaient Claudine, âgée de 14 à 15 ans. Elle a développé des troubles psychologiques graves à la suite de son viol. D’autres victimes comprenaient Mado Mukayiranga, Pascasie Mukayeze, Jacqueline Mukayitesi, Umulisa, et d’autres jeunes filles fuyant le camp de Ntendezi.
Le livre continue en précisant : “Les victimes subissaient des tortures inhumaines, telles que l’introduction de bâtons dans leur bouche et leur anus, et étaient photographiées nues. Après les viols, les soldats leur donnaient de la nourriture (rations de combat ou biscuits) pour les faire taire.”
En plus du camp de Nyarushishi, des viols ont également eu lieu à l’aéroport de Kamembe, au stade Kamarampaka et dans d’autres endroits.
Jean Bosco Habimana, un membre des Interahamwe et un collaborateur proche des soldats français (qui lui avaient fourni des armes), a témoigné des viols systématiques. Il a affirmé que les soldats français lui avaient demandé de leur fournir des filles à violer, en particulier des Tutsies, considérées comme moins problématiques si cela devenait public.
Il a raconté qu’il avait apporté deux filles : Béata, âgée d’environ 15 ans, et Mukasine Florence, âgée de 14 ans. Habimana a précisé qu’il avait pris Béata à Mururu, après avoir bien compris qu’elle était Tutsie. Après l’avoir violée, les soldats français ont demandé aux Interahamwe de ne pas la tuer.
La deuxième fille, Mukasine Florence, venait de la région de Winteko, où sa famille avait été tuée. Habimana a expliqué qu’il l’a emmenée au stade Kamarampaka, où elle avait été violée de manière violente. Après cela, les soldats français ont demandé aux Interahamwe de ne pas la tuer.
Le colonel Jacques Hogard, responsable de l’opération Turquoise à Cyangugu, a été fréquemment accusé d’avoir permis que ses troupes commettent des viols et d’autres formes de violences sexuelles sans intervenir. Le colonel Sartre Patrice, responsable de l’opération à Gikongoro, a également été mis en cause pour des faits similaires.
Cette décision soulève de nombreuses questions sur la responsabilité de la France dans le génocide rwandais, en particulier en ce qui concerne le rôle de ses militaires pendant l’opération Turquoise.
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