En instrumentalisant les soupçons les plus graves, complicité avec une rébellion, crimes contre l’humanité pour enclencher une procédure expéditive de levée d’immunité à l’encontre de Joseph Kabila, ancien président de la République et sénateur à vie, le régime Tshisekedi foule aux pieds la solennité des formes, la rigueur procédurale, et jusqu’à l’esprit même du droit.
Car ce n’est plus ici la justice qui guide l’action publique, mais le ressentiment politique travesti en volonté de purification. En foulant les garde-fous constitutionnels, en court-circuitant le Congrès au profit d’une plénière sénatoriale docile, le pouvoir scelle un dangereux précédent : celui d’une République livrée aux vents de l’arbitraire, où l’accusation supplante la preuve, et où l’urgence politique l’emporte sur la dignité des normes. Cette croisade précipitée contre une figure de l’histoire récente n’est pas l’aube d’un sursaut moral, mais le crépuscule d’un État de droit dévoyé au service d’ambitions incandescentes.
C’est dans une atmosphère électrique, chargée de tension politique et d’incertitude institutionnelle, que s’est ouverte l’une des séquences les plus inédites de la vie parlementaire congolaise : l’examen précipité, par le Sénat, d’une demande de levée d’immunité visant l’ancien président Joseph Kabila, aujourd’hui sénateur à vie.
Portée par un exécutif fébrile, en quête d’un bouc émissaire dans un contexte politique, diplomatique et sécuritaire désastreux, cette initiative révèle, au-delà de ses apparences judiciaires, une dérive inquiétante du pouvoir en place : celle d’un régime qui, sous couvert de justice, s’autorise à piétiner les procédures, contourner les textes, et instrumentaliser les institutions pour assouvir une vendetta politique à peine voilée.
La démarche en elle-même est juridiquement bancale. Dès l’entame de la séance du jeudi 15 mai, la sénatrice Christine Mwando Katempa a rappelé avec une rigueur salutaire que le cadre légal impose le recours au Congrès, réunion conjointe de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour toute décision de cette nature, conformément à l’article 224 du règlement intérieur de la chambre haute.
Or, en forçant la tenue d’un débat en plénière sénatoriale uniquement, le pouvoir foule aux pieds les balises fondamentales de l’État de droit, substituant à la légalité une logique de passage en force. Le Sénat, désormais acquis aux desseins du régime Tshisekedi, se prête à ce jeu dangereux, reniant sa vocation de contre-pouvoir et sombrant dans le rôle funeste d’une chambre d’enregistrement docile.
Les accusations portées contre Joseph Kabila sont d’une gravité extrême : complicité avec la rébellion de l’AFC/M23, implication dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, orchestration présumée de massacres de civils dans l’Est de la République.
Deux membres éminents du gouvernement, Jacquemain Shabani, vice-premier ministre de l’Intérieur, et Constant Mutamba, ministre de la Justice, ont publiquement mis en cause l’ancien président, allant jusqu’à affirmer son rôle actif dans la genèse et l’essor du mouvement armé qui défie aujourd’hui l’autorité de Kinshasa.
Le président Tshisekedi lui-même, dans une déclaration aux accents accusatoires, n’a pas hésité à désigner nommément son prédécesseur comme l’instigateur de l’AFC/M23. Jamais, dans l’histoire récente du pays, un chef d’État en exercice n’a ainsi mis en accusation, de manière aussi frontale et sans fondement judiciaire établi, celui qui l’a précédé au sommet de l’État.
Mais dans cette séquence de haute intensité, la justice n’est qu’un décor. Le ton martial adopté par le ministre Mutamba, qui promet des procès imminents et annonce des mesures de saisie sur les comptes et les biens du sénateur Kabila, trahit l’impatience d’un pouvoir qui ne tolère plus l’attente procédurale.
Ce zèle, cette ardeur à disqualifier un ancien président avant même l’examen rigoureux des faits, relèvent moins de l’exigence de vérité que d’une volonté de neutralisation politique. En période préélectorale, rien ne sert davantage un pouvoir contesté qu’un ennemi bien identifié à clouer au pilori médiatique et judiciaire.
Toutefois, cette instrumentalisation de la justice pour régler des comptes politiques installe un dangereux précédent. Elle mine la crédibilité des institutions, affaiblit le principe de la séparation des pouvoirs, et fragilise la cohésion nationale dans un contexte déjà délétère.
Le recours au droit ne peut être une mise en scène ; il doit rester l’armature stable de la République, même face à l’ennemi politique le plus redouté. À vouloir briser un adversaire par l’arbitraire, le pouvoir actuel prend le risque de briser, en retour, la République elle-même. Car dans toute démocratie digne de ce nom, c’est la légalité et non la passion qui fonde la légitimité de l’action publique.

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